1984 (1984)

Une adaptation glaçante du classique de George Orwell, avec John Hurt et Richard Burton en tête d'affiche

1984

1984 – GB

Réalisé par Michael Radford

Avec John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton, Cyril Cusack, Gregor Fisher

THEMA FUTUR 

Cette seconde adaptation du mythique roman de George Orwell (après celle de Michael Anderson réalisée en 1956) semblait présenter toutes les caractéristiques d’une opération marketing savamment calculée. Tourné en Angleterre entre avril en juin 1984 (pour se conformer exactement aux lieux et aux dates dans lesquels se déroule le roman), soutenu par une vaste campagne publicitaire couplant sa sortie avec celle du single « Sexcrimes » interprété par le groupe Eurythmics, le film de Michael Radford n’a pourtant rien d’un blockbuster. Austère et résolument anti-hollywoodien, 1984 s’avère aussi fidèle que possible au récit dystopien dont il s’inspire et se distingue par la pertinence de son casting.

« Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent contrôle le passé » annonce le carton d’introduction. 1984 commence par un film de propagande vantant fièrement les mérites du peuple d’Océania et montrant du doigt l’ennemi, c’est-à-dire l’armée d’Eurasia. La haine du peuple est savamment focalisée vers un certain Goldstein, bouc-émissaire idéal de cette société totalitaire ultime. Lorsque le logo du Parti apparaît plein écran, au son de trompettes patriotiques, le peuple se lève, droit comme un piquet, et effectue docilement son salut en croisant les bras en forme de V, psalmodiant « Big » pour « Big Brother ». Dans cette cité de cauchemar, les rues sont en ruine, la misère et la tristesse suintent partout, les tanks arpentent le bitume gris et sale, les trains sont tirés par de vieilles locomotives, les hélicoptères rodent devant les fenêtres pour surveiller les citoyens, les gardiens de l’ordre ressemblent à des soldats de la Wermacht et les exécutions publiques galvanisent les foules. 

« Qui contrôle le passé contrôle le futur… »

Le monde semble avoir stagné depuis les années 40, même si quelques avancées technologiques (notamment les grands télécrans interactifs qui trônent dans les appartements austères et ne s’éteignent jamais) se sont immiscées dans ce rétro-futur alternatif. Winston Smith (John Hurt) est un fonctionnaire anonyme dont le métier consiste à réécrire les articles de presse en les adaptant à la réalité souhaitée par le Parti. Mais dans le mur de son misérable appartement, Smith cache un journal intime où il couche par écrit ses pensées non contrôlées. Dans un monde où  même les romans et les chansons sont écrits par des machines, c’est bien sûr un sacrilège, premier pas vers une quête de liberté qu’on craint perdue d’avance. La première scène d’amour entre Smith et Julia (Suzanna Hamilton), dans la forêt, est emplie de désespoir et de désenchantement. On n’y ressent aucun bonheur, tout juste un peu de paix et de sérénité hélas provisoires. Car « Big Brother » et la police de la pensée veillent, représentés par O’Brien (un Richard Burton impérial à la froideur terrifiante) qui sera l’interrogateur,  le juge et le bourreau du couple. « Il ne suffit pas de rester vivant », dira Smith alors que tout est mis en œuvre pour briser son esprit. « C’est rester humain qui est important ». Désespérément prophétique dans ses mises en garde contre la privation progressive de nos libertés, le roman d’Orwell aura trouvé par le biais de Michael Radford son idéale mise en forme cinématographique.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article