THELMA (2017)

Le passage à l'âge adulte, la quête d'indépendance et la lutte contre le puritanisme sont au cœur de cette fable fascinante

THELMA

2017 – NORVEGE

Réalisé par Joachim Trier

Avec Eili Harboe, Kaya Wilkins, Henrik Rafaelsen, Ellen Dorrit Petersen, Grethe Eltervag, Ludvig Algeback

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Le réalisateur Joachim Trier s’était déjà distingué par des œuvres marquantes mais jusqu’alors très éloignées du fantastique, notamment Oslo 31 Août et Black Home. Avec Thelma, il raconte l’histoire d’une jeune fille partie à Oslo pour ses études de biologie et de sciences naturelles. Au fil des jours, la timide étudiante se laisse progressivement séduire par une camarade de classe. Or la famille dont elle est issue est très religieuse et particulièrement rigoriste. La voilà bientôt victime d’une série de crises régulières, qui ressemblent à de l’épilepsie mais sont en réalité psychogènes. Elles s’avèrent être les symptômes de la manifestation de pouvoirs paranormaux lui permettant d’agir sur son environnement et sur les gens qui l’entourent. Mais cette capacité surnaturelle, née de ses pulsions les plus intimes, semble incontrôlable. 

Dans ce film visuellement somptueux et constellé de morceaux de bravoure, les comédiens semblent en état de grâce. L’un des sommets de mise en scène et d’implication du spectateur est sans doute la séquence du concert au cours de laquelle Joachim Trier, manifestement sous l’influence d’Alfred Hitchcock et de Brian de Palma, mélange les émotions avec beaucoup d’habileté, soutenu par une partition singulière d’Ola Flottum convoquant les orgues religieux, les violons d’orchestre de chambre et les instruments médiévaux. Sans prendre tout à fait les allures d’une bande originale de film fantastique, la musique subtile et déroutante de Thelma laisse sans cesse sourdre l’étrangeté, le malaise et l’anormalité mais évite de les exposer frontalement. Le paranormal s’affirme d’ailleurs ici comme une métaphore de la sortie de l’adolescence, de la libération du poids de traditions familiales étouffantes, de la possibilité d’assumer ses désirs refoulés, mais aussi de la quête de libre arbitre et d’autonomie. 

La petite sœur norvégienne de Carrie

En ce sens, Thelma évoque souvent Carrie, la jeune héroïne souffrant ici aussi d’un carcan familial puritain trop rigide. D’autres moments forts constellent le métrage, notamment le prologue glaçant (dans tous les sens du terme) ou la scène de la piscine qui n’est pas sans rappeler La Féline de Jacques Tourneur. Trier connaît donc ses classiques mais s’efforce de les transcender pour mieux les adapter à la sensibilité de son récit. Sans doute le film accuse-t-il quelques longueurs et se perd-il parfois dans d’inutiles maniérismes auteurisants, mais son propos reste très fort et sa mise en forme remarquable. Il faut bien sûr saluer la performance tout en retenue d’Eiji Harboe qui nous fait croire à l’incroyable grâce à sa prestation fragile et à fleur de peau, qui incite le réalisateur à laisser parfois la porte ouverte à quelques séquences d’improvisation.
 
© Gilles Penso

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