COLOUR FROM THE DARK (2008)

Dans cette adaptation libre de la nouvelle La Couleur tombée du ciel de Lovecraft, une ferme italienne des années 40 est frappée par un mal étrange…

COLOUR FROM THE DARK

 

2008 – ITALIE

 

Réalisé par Ivan Zuccon

 

Avec Debbie Rochon, Michael Segal, Marysia Kay, Gerry Shanahan, Eleanor James, Matteo Tosi, Alessandra Guerzoni, Emmett J. Scanlan

 

THEMA MUTATIONS I DIABLE ET DÉMONS

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le réalisateur italien Ivan Zuccon est un amateur des écrits de H.P. Lovecraft. Notre homme s’est déjà largement laissé inspirer par l’écrivain de Providence à travers ses longs-métrages The Darkness Beyond (2000) et Unknown Beyond (2001), qui tournaient tous deux autour du fameux grimoire maléfique Necronomicon, mais aussi à l’occasion du film à sketches The Shunned House (2003), qui adaptait la nouvelle La Maison maudite. Sur la même lancée, Zuccon décide de s’attaquer à l’une des pièces maîtresses de son auteur favori, en l’occurrence la mythique Couleur tombée du ciel, une histoire courte considérée par beaucoup comme le chef d’œuvre de son auteur. Déjà porté deux fois à l’écran (Le Messager du diable en 1965 et La Malédiction céleste en 1987), ce récit terrifiant méritait sans doute une relecture plus fidèle, les films précédents s’éloignant souvent de l’ambiance du matériau littéraire pour bâtir leur propre atmosphère. Zuccon se lance donc et, avec son scénariste Ivo Gazzarini, choisit de déplacer l’action dans un cadre différent. La campagne aride du Massachussetts des années 1880 cède donc le pas à une petite communauté agricole italienne de 1943. Ce n’est pas la seule entorse majeure que Coulour from the Dark fera au texte original.

Nous sommes au cœur de la seconde guerre mondiale. Si Pietro (Michael Segal) n’est pas parti sur le front, contrairement à ses frères, c’est à cause de son genou blessé. Il occupe donc ses journées à travailler la terre dans la petite ferme isolée qu’il partage avec sa femme Lucia (Debbie Rochon) et sa belle-sœur Alice (Marysia Kay). Celle-ci a bientôt 22 ans, mais son esprit est celui d’un enfant. Muette, introvertie, elle ne se sépare jamais de sa poupée Rosina qui, le soir, semble lui chuchoter des secrets à l’oreille. Un climat singulier baigne ainsi le métrage avant même qu’un quelconque élément surnaturel ne s’y invite. Le drame survient lorsque Pietro et Alice, en essayant de récupérer un seau tombé au fond du puits à l’aide d’une perche, semblent libérer une force ancienne et inconnue. Une couleur étrange clignote soudain sous l’eau, au fond du puits, puis disparaît. Dans le film de Zuccon, la couleur maléfique ne vient donc pas du ciel – contrairement à la nouvelle de Lovecraft dans laquelle l’horreur se déclenchait après la chute d’une météorite – mais semble s’être éveillée après un sommeil immémorial dans les entrailles de la terre.

La couleur tombée du fiel

L’étrangeté s’installe par petites touches : cette fameuse teinte indéfinissable, une sorte de vapeur pestilentielle, des espèces de voix indistinctes qui résonnent au fond du puits… Ensuite, ce sont de petits miracles inexplicables, comme l’abondance soudaine de fruits et légumes énormes et magnifiques, le genou de Pietro qui guérit, Alice qui se met à parler. S’agit-il d’une intervention divine ? Le crucifix qui se détache du mur pour tomber au sol dément aussitôt cette supposition. Le comportement de Lucia devient d’ailleurs très perturbant. Elle montre un appétit sexuel soudainement insatiable, exhibe des prunelles noires, sombre dans la folie et se livre à l’automutilation. Nous sommes donc visiblement en présence d’une possession diabolique. D’où l’imagerie récurrente des croix qui chutent ou se noircissent. En désespoir de cause, Pietro fait même appel à un prêtre. « Elle est possédée par le diable » affirme celui-ci en guise de diagnostic. Ce choix scénaristique condamne hélas le film à arpenter les voies conventionnelles dictées depuis 1973 par L’Exorciste. C’est d’autant plus dommage que l’idée prometteuse d’intégrer dans le récit la présence d’une jeune femme juive persécutée par la milice fasciste est trop vite escamotée. Malgré toutes les libertés qu’il prend avec le texte de Lovecraft, Zuccon reste très fidèle à l’esprit de la nouvelle, dont il retranscrit souvent l’ambiance oppressante, et dont il reprend même quelques dialogues, notamment le douloureux monologue final de Pietro affirmant que l’entité démoniaque « aspire la vie ». Deux ans plus tard, le réalisateur Huan Vu signera sa propre adaptation de La Couleur tombée du ciel, Die Farbe, située elle aussi dans les années 40, mais cette fois-ci dans un village allemand.

 

© Gilles Penso

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