MICKEY 17 (2025)

Dans le futur, les humains les plus bas dans l’échelle sociale peuvent devenir des individus facilement sacrifiables grâce au clonage…

MICKEY 17

2025 – USA

Réalisé par Bong Joon Ho

Avec Robert Pattinson, Naomi Ackie, Mark Ruffalo, Toni Collette, Steven Yeun, Patsy Ferran, Cameron Britton, Daniel Henshall, Steve Park, Anamaria Vartolomei

THEMA DOUBLES I FUTUR I EXTRA-TERRESTRES

 

Après le carton international de Parasite, multi-oscarisé et salué partout pour son audace, tout le monde attend Bong Joon Ho au tournant. Le cinéaste décide alors de revenir à la science-fiction futuriste, comme à l’époque de Snowpiercer, en se penchant sur le roman Mickey7 d’Edward Ashton, dont il acquiert les droits d’adaptation avant même sa publication en 2022. « Le concept lié à la capacité d’imprimer des êtres humains est fascinant dans le roman, mais je voulais le ramener sur terre et le rendre plus quotidien et plus proche de notre vie de tous les jours », explique le cinéaste. « Au centre du récit se trouve le personnage de Mickey. Dans le roman, il s’agit d’une sorte d’historien, d’intellectuel, mais je voulais en faire un ouvrier, un être simple, aimable, gentil et un peu triste. » (1) Bong Joon Ho remanie donc l’intrigue du manuscrit d’Ashton et écrit une première mouture du scénario en 2021. Dans le rôle principal, il n’a qu’un seul nom en tête : Robert Pattinson. L’acteur voit là l’opportunité de pouvoir incarner plusieurs variantes du même personnage et accepte aussitôt. Avec la bénédiction du réalisateur, Pattinson propose un certain nombre de modifications du scénario pour ajuster son interprétation. Quant à sa référence principale, en termes de jeu, elle se révèle plutôt surprenante : Jim Carrey dans Dumb et Dumber !

Nous sommes en 2050. Endetté jusqu’au cou auprès d’un mafieux impitoyable qui rêve de le réduire en pièces, sans attache, ni diplôme, ni qualification, Mickey est au fond du trou. Il choisit alors de fuir la Terre pour rejoindre la colonie de Niflheim, où il postule pour devenir un homme « remplaçable ». Là-bas, les désespérés comme lui peuvent accepter des missions à très haut risque, avec une probabilité de survie quasi nulle. Leur mémoire et leurs données biologiques sont toutefois sauvegardées sur un disque dur. À chaque décès, leur corps est réimprimé à l’identique à partir de déchets organiques recyclés, et leur cerveau redémarre. « Il va falloir vous habituer à mourir, c’est votre travail », lui résume sa recruteuse. Mickey devient alors un véritable rat de laboratoire, cobaye humain pour toutes sortes d’expériences. Ses morts sont souvent violentes et spectaculaires… puis il revient à la vie, prêt pour une nouvelle mission.

Meurs un autre jour

Quel que soit le genre qu’il aborde, Bong Joon Ho aime greffer dans ses intrigues un sous-texte social et une réflexion sur la condition humaine. Dans Mickey 17, il pousse le bouchon assez loin, décrivant le sort d’un « sous-homme » tellement bas sur l’échelle sociale qu’il est « jetable » au sens propre. Ce n’est qu’« un bout de viande sorti de l’imprimante », pour reprendre les termes du commandant en chef de la colonie qu’incarne Mark Ruffalo. La vie de Mickey n’a pas plus de valeur que celle d’un mannequin de crash test, puisque la technologie permet de le remplacer. Comment imaginer meilleure métaphore d’un prolétariat dont les individus sont anonymes et interchangeables ? Au-delà des questionnements éthiques soulevés par le scénario s’ajoutent ceux liés au clonage et à la duplication, avec à la clé la description d’une société fasciste ouvertement eugéniste et obsédée par l’idée de race supérieure. Véritable « film à tiroirs » dont chaque rebondissement ouvre de nouvelles portes et d’autres pistes narratives, Mickey 17 convoque aussi l’imagerie du massacre des bisons perpétré dans l’Amérique du 19ème siècle, en la transposant sur une autre planète, pour aborder les problématiques de la condition animale et de son exploitation par l’homme, qui étaient déjà le moteur des enjeux d’Okja. Certes, les impressionnantes créatures invertébrées qui pullulent sur la colonie et le rôle que va tenter de jouer Mickey auprès d’elles évoquent beaucoup Nausicaä de la vallée du vent d’Hayao Miyazaki. Le sentiment de déjà vu n’atténue pas pour autant l’impact de ce film imprévisible et vertigineux, dont la richesse foisonnante converge vers une idée aussi simple que forte : chaque vie compte.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Poc Culture en février 2025

 

© Gilles Penso

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