

Trois gangsters, une jeune femme kidnappée et un géologue se retrouvent dans la montagne face à une créature extra-terrestre…
THE ASTOUNDING SHE-MONSTER
1957 – USA
Réalisé par Ronnie Ashcroft
Avec Robert Clarke, Kenne Duncan, Marilyn Harvey, Jeanne Tatum, Shirley Kilpatrick, Ewing Miles Brown, Al Avalon, Scott Douglas
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Si L’Incroyable créature de l’espace ressemble tant à un film d’Ed Wood, c’est parce que ce dernier fut officieusement sollicité comme consultant et coscénariste par la production. La petite compagnie Hollywood International Production n’alloue au réalisateur débutant Ronnie Ashcroft qu’un budget de 18 000 dollars, un planning de quatre jours de tournage et une équipe technique réduite à sa plus simple expression (un gaffer, un assistant, un caméraman et un preneur de son). Ashcroft lui-même s’occupe du montage dans son salon pour réduire les coûts de post-production. Difficile de faire des miracles dans ces conditions. Cette tentative maladroite de mélange de film de gangsters et de film de science-fiction n’a donc rien de franchement mémorable. En récupérant les droits de distribution, American International Pictures cherche tout de même à attirer un maximum de spectateurs. Un poster provocant est donc dessiné par l’artiste Albert Kallis (qui s’inspire d’une photo nue du mannequin Madeline Castle) et un titre racoleur est envisagé. Mais après réflexion, Naked Invader (« L’Envahisseuse nue ») est jugé un peu trop osé pour la censure de l’époque. On se rabat donc sur The Astounding She-Monster (« La Stupéfiante femme-monstre »), plus sagement traduit par L’Incroyable créature de l’espace lors de l’exploitation du film en France.


« Les astronomes et philosophes de l’antiquité pensaient que le futur était écrit dans les étoiles, et que le passé restait gravé sur le tableau noir du ciel », nous dit une voix off lyrique sur fond spatial. Nous apprenons alors qu’un conseil d’entités extra-terrestre décide de faire partir un émissaire depuis Antarès, étoile de la constellation du Scorpion, pour aller rendre visite à la Terre suite aux dangereux essais nucléaires effectués par les humains. Ce postulat, qui peut laisser espérer une intrigue brodant sur les mêmes thématiques que Le Jour où la Terre s’arrêta, n’est pourtant qu’un faux départ, car le reste de l’intrigue ne s’y réfère quasiment plus. La jolie extra-terrestre – en combinaison plus ou moins futuriste et au maquillage accentuant ses sourcils – qui émerge dans les bois, après la chute de la météorite qui la transportait, se contente en effet de se promener lentement dans la forêt sans prononcer un mot et d’irradier d’un simple geste de la main tous ceux qui s’approchent trop près d’elle. Bientôt, la visiteuse croise la route de trois gangsters, qui viennent de kidnapper une riche héritière dans l’espoir d’en tirer une juteuse rançon, et d’un géologue qui vit dans la montagne avec son chien…
« Les roues du destin tournent… »
Pendant la première partie du film, la voix off se sent obligée de commenter toute l’action avec une emphase exagérée, multipliant les formules du style « Les roues du destin tournent » ou « La haine a commencé à tisser sa mystérieuse toile. » Ce procédé pesant semble faire office de remplissage, car le premier tiers du métrage est quasiment dénué de son direct, multipliant les scènes muettes comme dans le calamiteux La Bête de Yucca Flats. Lorsque les gangsters, la kidnappée et le géologue se rencontrent, la mise en scène accuse soudain un statisme très théâtral. Presque tout se situe dès lors dans une cabane dans les bois, que Ronnie Ashcroft filme en plan large fixe tandis que les acteurs échangent des répliques banales et que l’action stagne dangereusement. Régulièrement, l’extra-terrestre campée par Shirley Kilpatrick fait une petite apparition pour tenter de nous égayer, mais elle n’a pas grand-chose à faire à part déambuler mollement. Comme en outre le dos du costume de l’actrice se déchire dès le premier jour de tournage et qu’il n’y a pas assez d’argent pour le remplacer ou le réparer, la malheureuse est contrainte d’effectuer d’étranges marches à reculons pour toujours rester face à la caméra ! On s’ennuie donc sérieusement dans ce film peu avare en dialogues scientifiques involontairement risibles (« Vu les rayons alpha et gamma qu’elle dégage, elle doit être en grande partie constituée de radium »). Dommage, car l’épilogue nous offre une petite révélation qui aurait pu emmener l’intrigue sur un terrain beaucoup plus intéressant.
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article