

Le réalisateur d’Equilibrium et Ultraviolet s’empare de la nouvelle de Stephen King - déjà adaptée dix fois - pour en livrer sa propre version…
CHILDREN OF THE CORN
2020 – USA
Réalisé par Kurt Wimmer
Avec Elena Kampouris, Kate Moyer, Callan Mulvey, Bruce Spence, Stephen Hunter, Jayden McGinlay, Ashlee Juergens, Sisi Stringer, Joe Klocek, Orlando Schwerdt
THEMA ENFANTS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA LES DÉMONS DU MAÏS I STEPHEN KING
Réalisateur du thriller dystopique Equilibrium, Kurt Wimmer avait un peu disparu des radars après Ultraviolet, cette dernière expérience lui ayant laissé un goût très amer vis-à-vis de la politique des studios hollywoodiens. Absent derrière les caméras depuis ce blockbuster frustrant, il prêta entretemps sa plume aux scénarios d’une poignée de remakes fort dispensables comme Total Recall : mémoire programmée ou Point Break. Le voir repasser à la mise en scène était une bonne nouvelle, mais pourquoi avoir choisi de diriger un énième opus de l’interminable saga des Démons du maïs ? Était-il encore possible d’apporter une quelconque pierre artistique à cet édifice disparate de dix longs-métrages vaguement inspirés d’une courte nouvelle de Stephen King ? Pour calmer la perplexité ambiante, le producteur Lucas Foster se fend à l’époque d’une déclaration officielle affirmant que cette nouvelle adaptation du texte original n’a aucun lien avec les épisodes précédents, ni même avec le tout premier Démons du maïs de Fritz Kiersch qui inaugurait en 1984 la franchise. « Notre film n’a presque rien à voir, même si nous nous appuyons sur la même nouvelle », déclare-t-il. « Nous avons repris l’histoire et l’avons très librement réinterprétée. » (1) Tourné en Australie au beau milieu du confinement imposé en 2020 par la crise du Covid-19, Les Démons du maïs de Wimmer aura nécessité des précautions sanitaires drastiques et le recours à de multiples polices d’assurance.


L’histoire se déroule dans la petite ville de Rylstone, au fin fond du Nebraska. Après avoir erré dans un grand champ de maïs, un adolescent en sort enfin, le regard halluciné. Armé d’un couteau, il massacre tous les adultes d’un foyer pour enfants. Pour tenter de l’arrêter, les autorités décident d’utiliser un gaz anesthésiant. Résultat : quinze enfants morts. La petite Eden survit à cette hécatombe en se cachant pendant quatre jours consécutifs dans le champ de maïs, avant d’être recueillie par le pasteur local qui l’adopte. Encore marquée par cette tragédie, la bourgade dépérit peu à peu. Les vastes cultures de maïs qui faisaient sa fierté sont en train de se dessécher inexorablement. Sans doute les OGM que les habitants ont accepté d’utiliser n’y sont pas pour rien. La population décide alors de raser l’intégralité des champs pour toucher les subventions de l’état et repartir à zéro. Mais les enfants de Rylstone en ont décidé autrement…
« Celui qui marche »
Lorsque le film commence, il nous semble entrevoir ce qui a séduit Kurt Wimmer. Cette onzième adaptation s’éloigne en effet du tout-venant en prenant les atours de la chronique sociale désenchantée d’une petite ville agricole affrontant une crise qui semble insurmontable. Les enjeux sont bien définis, servis par des acteurs très convaincants, et tout s’amorce de manière prometteuse. Lorsque l’intrigue bascule dans le fantastique et dans l’horreur, le parti pris du cinéaste est une approche brutale, à la fois visuellement et psychologiquement, ne rechignant pas devant un recours au gore pour décrire des mises à mort souvent gratinées. Personnage central du drame, Bo (Elena Kampouris) se situe à mi-chemin entre les enfants et les adultes, ce qui lui confère un statut complexe. « C’est eux contre nous », lui dit Eden (Kate Myer, adorablement détestable). « Dans quel camp es-tu ? » Malheureusement, plus le récit avance, plus les incohérences s’installent. Le fameux démon du maïs, que les gamins diaboliques surnomment « celui qui marche », prend corps de manière tangible au cours du dernier acte. Mais au lieu de la créature lovecraftienne qu’évoquait Stephen King, nous sommes en présence d’une sorte d’arbre géant rugissant qui se comporte comme un dinosaure de Jurassic Park. Digital Domain, qui a assuré la production exécutive, prend en charge les effets visuels du film, lesquels sont parfois convaincants, d’autres fois beaucoup moins, preuve que le budget et le temps alloués à leur confection se réduisirent sans doute comme peau de chagrin. Parti sous de bons augures, Les Démons du maïs cru 2020 s’achève de manière très décevante, nouvelle preuve que cette franchise bancale n’a que trop duré.
(1) Extrait d’une interview publiée dans Variety en juin 2020
© Gilles Penso
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