Cette suite tardive du film culte de Jim Muro peine à convaincre malgré sa profusion de séquences gore et dégoulinantes…
Très amateur du cinéma fantastique des années 80, l’acteur/réalisateur Ryan Kruger avait créé une petite surprise avec son film déjanté Fried Barry qui, à travers son histoire invraisemblable de junkie enlevé par des extra-terrestres, ne cessait de rendre hommage à la pop culture des eighties (les films de Spielberg, Cameron, Dante, Carpenter, mais aussi les clips musicaux de l’époque). Lorsque se présente pour lui l’opportunité de revisiter Street Trash, il n’hésite pas longtemps. « Dans les années 80 et au début des années 90, Street Trash faisait partie de ces films que mes amis et moi regardions en vidéo à deux heures du matin – nous l’avions en VHS et nous le faisions circuler », raconte-t-il. « Cela faisait partie de notre enfance. » (1) Pour autant, Kruger ne veut pas se lancer dans un remake (contrairement à ce que pourrait faire croire la simple reprise du titre original) mais plutôt dans une suite centrée sur d’autres personnages et d’autres péripéties. « Il était très important pour moi, en tant que fan du film original, de ne pas le copier mais de proposer autre chose » (2), confirme-t-il. Installé en Afrique du Sud depuis 2008, il y situe logiquement son action. Et si un dialogue mentionne rapidement « l’incident survenu à New York en 1987 », l’intrigue suit sa propre voie, indépendamment de celle du film de Jim Muro.
Nous sommes à Cape Town, 25 ans dans le futur. Le chômage s’est mis à grimper à la vitesse grand V, la misère a gagné les rues et les pronostics de réélection du maire Mostert (Warrick Grier) ne sont pas très engageants. Pour régler le problème des sans-abris une bonne fois pour toutes, Mostert demande à un groupe de scientifiques de créer secrètement et de produire à la chaîne un gaz susceptible de liquéfier tous les clochards, seul moyen selon lui de nettoyer enfin les rues de la cité. Pour plus d’efficacité, ce gaz est installé dans des drones qui sillonnent les quartiers mal famés en pleine nuit. Dans ce contexte sinistre, le scénario s’intéresse à un petit groupe de « homeless » survivant comme ils peuvent dans cette jungle urbaine qui prend vaguement les allures de celle de New York 1997 : l’ancien vétéran Ronald (Sean Cameron Michael), le philosophe Chef (Joe Vaz), les frères Wors et Paps (Lloyd Martinez et Shuraigh Meyer), le taciturne 2-Bit (Gary Green) et la nouvelle venue Alex (Donna Cormack-Thomson). Cette « famille » hétéroclite ne va pas tarder à se retrouver au cœur d’un affrontement explosif avec les forces de l’ordre…
Liquéfactions
La volonté de s’écarter du film original en installant celui-ci dans un cadre futuriste et dystopique est compréhensible, mais Ryan Kruger n’a ni les moyens de ses ambitions (l’étroitesse du budget est très souvent palpable, notamment dans les séquences de mouvement de foule), ni de véritables enjeux dramatiques à défendre. Ses personnages sont en effet des archétypes volontiers caricaturaux auxquels il est bien difficile de s’intéresser, et dont l’interprétation varie entre le charisme solide (Sean Cameron Michael) et le cabotinage embarrassant (Warrick Grier). Kruger continue de multiplier ses clins d’œil au cinéma qu’il aime (2-Bit est habillé comme Roger Rabbit, Alex joue les émules de Ripley dans Aliens, Chef a le même look que Stanley Kubrick) et développe quelques idées surprenantes (l’ami imaginaire qui apparaît sous forme d’un petit monstre bleu hargneux et lubrique). Mais une grande partie de ses effets comiques tombe à plat (notamment ce gag récurrent au cours duquel les personnages se tournent vers la caméra en s’adressant à un certain Offley dont on ne voit que les mains). Le bilan reste donc très mitigé. Fort heureusement, ce Street Trash a la bonne idée de ne jamais se réfréner sur les effets gore excessifs. En digne successeur de son modèle, il éclabousse donc régulièrement l’écran d’explosions de pustules multicolores, de liquéfactions visqueuses et de décompositions gluantes, en s’appuyant sur des effets spéciaux 100% physiques particulièrement efficaces. C’est hélas la seule chose véritablement réjouissante qu’il faudra se mettre sous la dent.
(1) Extrait d’une interview publiée sur Gizmodo en novembre 2024
© Gilles Penso
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