Mila, 13 ans, est confrontée à une prophétie qui annonce la venue du diable le jour de la fête de la Lunada…
MI BESTIA
2024 – COLOMBIE / FRANCE
Réalisé par Camila Beltran
Avec Stella Martinez, Mallerly Murillo, Marcela Mar, Hector Sanchez
THEMA DIABLE ET DÉMONS
La cinéaste Camila Beltrán a fait des études artistiques en Colombie avant d’intégrer la prestigieuse Ecole nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Pedro Malheur, son court-métrage de fin d’études, a obtenu la mention spéciale du Jury au Festival de Clermont-Ferrand en 2014 et son dernier Pacifico Oscuro a été sélectionné au Festival de Locarno en 2020. Également productrice avec sa société Fellina Films, elle signe avec Mi Bestia, conte horrifique dont le titre est inspiré d’El Dia de la Bestia d’Alex de la Iglesia, un premier long-métrage envoutant et réussi. Portée par le charme de Stella Martinez, son actrice principale filmée en (très) gros plan, l’histoire évoque les souvenirs réels de l’enfance de la cinéaste à Bogota (où est tourné le film), et spécialement des fêtes locales de la Lunada. « Au départ, je ne pensais pas que je faisais un film de genre, parce que la croyance de la venue du diable faisait partie de notre vie », raconte-t-elle. « Il y avait des affiches là-dessus, et je me souviens que tout le monde en avait peur. Ce qui paraît fantastique ici, là-bas c’est le quotidien. » (1)
Le diable, « qui rode en permanence », va profiter de l’arrivée de la lune rouge et d’une éclipse pour se manifester, ainsi est la prophétie, telle que l’assure la religieuse de l’établissement catholique de Mila, élève solitaire et taciturne dont la mère, souvent absente, est occupée par son travail et son amant. D’ailleurs l’insistance de ce dernier à veiller absolument sur Mila est de plus en plus suspecte. Bénéficiant de cadrages serrés s’approchant au plus près des émotions de la jeune fille, Mi Bestia nous raconte intimement les évènements qui la distinguent et l’isolent de son entourage, et qui finissent par la transformer en créature, en démone ou en diable. « C’est un pouvoir que Mila ne comprend pas mais qu’elle accueille et qu’elle accepte », explique la réalisatrice. « Au moment de la transformation, une musique un peu mélancolique accompagne une sorte de sortie, de libération, de survol. Il ne s’agit ni d’un affrontement, ni du besoin de se faire justice à travers une certaine violence venue du monstre ou de l’animal. » (2)
Nuit démonique à Bogota
Doté d’une belle photo dans un format carré 1.33 assez rare à l’heure du 16/9 numérique, ce long-métrage de la réalisatrice colombienne Camila Beltrán, programmé dans la sélection de l’Acid Cannes, s’inscrit dans la lignée des films où l’arrivée de la puberté se confond avec une transformation redoutable sous le poids et l’influence des diktats religieux, des superstitions et des légendes. Métamorphose monstrueuse dans Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu, dangereuse dans El Agua d’Elena López Riera, ou démoniaque dans Mi Bestia, tous ces films exempts de manichéisme, véhiculent une poésie métaphorique, et, comme le Carrie de Brian de Palma en 1976, parlent en filigrane de solitude, de différence, de mise au ban, d’agression, d’incertitudes, et de la difficulté à apprivoiser son corps lorsqu’il se transforme à l’adolescence.
(1) et (2) Propos recueillis par Quélou Parente en mai 2024
© Quélou Parente
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