Le tournage d’un documentaire consacré à la vie d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer bascule dans l’horreur…
THE TAKING OF DEBORAH LOGAN
2014 – USA
Réalisé par Adam Robitel
Avec Jill Larson, Anne Ramsay, Michelle Ang, Brett Gentile, Jeremy DeCarlos, Ryan Cutrona, Tonya Bludsworth, Anne Bedian, Randell Haynes, Jeffrey Woodard
THEMA DIABLE ET DÉMONS
En 2014, le « found footage » n’est plus une nouveauté depuis longtemps. Cannibal Holocaust a ouvert le bal en 1980, C’est arrivé près de chez vous a relancé les hostilités en 1992, Le Projet Blair Witch a popularisé le gimmick en 1999, puis [Rec], Diary of the Dead et Cloverfield ont transformé le procédé en phénomène de mode qui a fini par perdre peu à peu de son impact et de son caractère novateur. Il était légitime de s’interroger sur l’intérêt de s’adonner une nouvelle fois à cette technique narrative usée jusqu’à la corde pour mettre en scène un énième faux reportage. Pour son premier long-métrage, Adam Robitel s’engouffre pourtant dans la brèche et nous prend agréablement par surprise. Sans révolutionner le genre, le réalisateur tire parti avec une belle virtuosité de son postulat de départ, ancré dans un contexte très réaliste, pour mieux s’acheminer pas à pas vers le surnaturel le plus exubérant. Confiant dans le potentiel de cet Étrange cas Deborah Logan, Bryan Singer accepte d’en être le producteur via sa compagnie Bat Hat Harry Productions. Le budget alloué au film reste raisonnable – environ 1 500 000 dollars -, mais il n’en faut pas plus à Robitel pour mettre en image l’histoire qu’il a co-écrite avec Gavin Heffernan, futur scénariste de deux opus de la franchise Paranormal Activity. Dans ce genre d’exercice de style, l’économie de moyens aurait même tendance à jouer en faveur du résultat final.
C’est la réalisation d’un documentaire consacré à la maladie d’Alzheimer qui sert de prétexte aux prémices du film. La réalisatrice Mia (Michelle Ang), l’ingénieur du son Gavin (Brent Gentile) et le cameraman Luis (Jeremy DeCarlos) parviennent à convaincre Deborah Logan (Jill Larson), atteinte des premiers stades de cette sénilité dégénérative, et sa fille Sarah (Anne Ramsay) de s’immiscer dans leur quotidien et de placer des caméras un peu partout dans leur maison pour tourner un film sur le sujet, en échange d’une somme d’argent conséquente. Harris (Ryan Cutrona), voisin et ami de la famille, voit d’un mauvais œil l’arrivée de ces intrus. Mais Sarah sait que cette contrepartie financière serait bénéfique, et sa mère accepte dans la mesure où le documentaire a des vertus éducatives. Plus la petite équipe filme la vie diurne et nocturne de Deborah Logan, plus celle-ci se met à adopter un comportement étrange. Visiblement, la maladie est en train de prendre une forme de plus en plus agressive. À moins qu’il ne s’agisse d’autre chose ?
Dégénérescence
L’excellente interprétation de la petite troupe d’acteurs menée par Adam Robitel est le premier atout majeur de film, sans lequel toute crédibilité s’effondrerait comme un château de cartes. Le naturalisme des comédiens est en effet la condition sine qua non d’un found footage réussi. Tandis que le film avance, il devient clair que les symptômes de Deborah Logan dépassent allègrement ceux de la maladie d’Alzheimer pour révéler quelque chose de beaucoup plus inquiétant. Les médecins de l’hôpital voisin qui l’auscultent régulièrement cherchent forcément une explication rationnelle. « Changement de voix, automutilation, désappropriation du corps, autant de signes de schizophrénie » avance ainsi l’un des docteurs. Mais les spectateurs qui connaissent L’Exorciste sur le bout des doigts pensent forcément à une cause plus surnaturelle. Le diable finit en effet par s’immiscer dans ce huis-clos anxiogène, ou du moins l’esprit maléfique insidieux d’une créature qui transforme peu à peu le tournage de nos trois vidéastes en véritable cauchemar. Le stress monte donc sans cesse d’un cran jusqu’à un climax oppressant situé dans une caverne souterraine, avec comme point d’orgue une vision brève horriblement surréaliste qui fit tant d’effet à l’époque que l’image fut partagée abondamment sur les réseaux sociaux. Bref, voilà une jolie réussite qui mit le pied à l’étrier de Robitel. Celui-ci persista dans le genre, mais hélas de manière plus routinière, comme en témoignent Insidious : la dernière clé, Escape Game et Escape Game 2.
© Gilles Penso
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