TERRIFIER 3 (2024)

Art le clown revient en grande forme, cette fois-ci sous un déguisement de Père Noël, pour transformer les fêtes de fin d’année en massacre…

TERRIFIER 3

 

2024 – USA

 

Réalisé par Damien Leone

 

Avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Antonella Rose, Elliot Fullam, Samantha Scaffidi, Margaret Anne Florence, Bryce Johnson, Alexa Blair

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA ART LE CLOWN

Tout au long de sa filmographie, Damien Leone aura joué les couteaux suisses en prônant le système D. Qu’il s’agisse de ses variantes autour de Terrifier ou de son improbable Frankenstein vs. The Mummy, on sent bien l’amour du bricolage et du « do it yourself ». Cette capacité à occuper la plupart des postes clés de ses films offre à Leone une liberté qui lui permet de jouer effrontément les « sales gosses » en repoussant toujours plus loin les limites du mauvais goût et de l’horreur graphique. Ce cinéaste indépendant aurait pu rester dans son coin et continuer tranquillement à creuser le même sillon sans provoquer beaucoup de remous dans l’industrie du cinéma. Seulement voilà : Terrifier 2, sorti en 2022, est un succès international inespéré qui rapporte plus de soixante fois sa mise de départ. En toute logique, les grands studios qui considéraient ce trublion avec une indifférence mêlée de dédain lui font soudain les yeux doux. Mais Leone n’est pas dupe. Il sait bien que s’il signe avec une major, il peut dire adieu à son irrévérence. C’est presque par provocation qu’il semble vouloir dépasser les bornes de la bienséance dans le scénario de Terrifier 3, histoire d’effrayer tous les financiers hollywoodiens qui seraient tentés de se mêler de ses affaires. Et de fait, le film se fera dans les mêmes conditions précaires que les précédents, même si le budget a un peu grimpé.

Cette fois-ci, Leone s’en prend à Noël. Il n’est évidemment pas le premier à vouloir souiller les sacro-saintes fêtes de fin d’année. Le slasher hivernal est même devenu un sous-genre en soi, en grande partie grâce à la saga Douce nuit sanglante nuit à laquelle se réfère ouvertement Terrifier 3 à l’occasion de plusieurs séquences. Sauf que bien sûr, Leone veut aller plus loin que tout le monde et donner au massacre des proportions dantesques. Et pour bien nous faire comprendre que les esprits fragiles peuvent aller voir ailleurs, les enfants sont ici les premières victimes d’Art le clown. Choquée, la censure française affublera Terrifier 3 d’une interdiction aux moins de 18 ans. On n’avait pas vu ça dans l’hexagone depuis Saw 3 en 2006. Sauf qu’au lien d’entraver la carrière du film en salles, cette interdiction finit par attiser toutes les curiosités. Résultat : ce troisième Terrifier fait un démarrage spectaculaire, emplissant jusqu’au dernier siège des salles de cinéma survoltées où le public – majoritairement jeune – éclate de rire pour ne pas hurler de dégoût et fait au film un triomphe.

Vive le sang d’hiver

Damien Leone construit comme toujours son film autour d’une série de morceaux d’anthologie consistant à équarrir de la manière la plus spectaculaire, douloureuse, graphique et invraisemblable un maximum de victimes avec l’aide d’une nouvelle panoplie d’instruments de torture et d’armes disparates. Le gore selon Leone n’a pas la poésie macabre de Lucio Fulci, ni le caractère 100% cartoonesque de Peter Jackson, ni même la quête de réalisme anatomique de la saga Saw. Mais il emprunte un peu à toutes ces tendances pour élaborer son propre style. Dans ces moments intenses, la révulsion, l’effroi, le rire et la stupeur se répartissent équitablement, l’horreur atteignant une certaine forme d’abstraction d’autant plus déstabilisante qu’Art conserve invariablement son sens de l’humour et sa pantomime burlesque. Quelques scènes de Terrifier 3 entreront sans doute dans la légende, notamment celle de la douche qui semble vouloir renvoyer dos à dos Psychose et Massacre à la tronçonneuse. Entre ces nombreuses séquences gratinées, le film bat un peu de l’aile, le réalisateur peinant à nous attacher à ses personnages (notamment l’héroïne du film précédent, muée malgré elle en Némésis du maléfique Art) ou à développer la mythologie du clown en la rattachant au motif de la possession diabolique. On sent bien que l’intérêt de Leone est ailleurs, et que les ambitions de son long-métrage sont avant tout celles d’un spectacle de Grand-Guignol. De ce point de vue, rien à dire, Terrifier 3 remplit son contrat. Un quatrième opus est bien entendu déjà dans les starting block.

 

© Gilles Penso


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