Un extra-terrestre parfaitement improbable affronte Peter Graves et Lee Van Cleef dans ce « classique » signé Roger Corman…
IT CONQUERED THE WORLD
1956 – USA
Réalisé par Roger Corman
Avec Peter Graves, Beverly Garland, Lee Van Cleef, Sally Fraser, Russ Bender, Jonathan Haze, Dick Miller, Taggart Casey, Paul Harber, Karen Kadler
THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA ROGER CORMAN
Roger Corman s’étant découvert des affinités avec les films de science-fiction tout en ayant trouvé le moyen d’aborder ce genre de manière économique et rentable, les années 50 sont propices à ses expérimentations dans ce domaine, non seulement en tant que producteur mais aussi au poste de réalisateur. « J’ai abordé It Conquered the World avec la même liberté d’esprit que Pas de cette Terre », raconte-t-il. « Lee Van Cleef jouait le rôle d’un scientifique qui tente de rentrer en communication avec des formes de vie intelligentes sur Vénus. Beverly Garland, qui jouait sa femme, remet en cause tout son projet par des dialogues très comiques écrits par Lou Rusoff et Chuck Griffith. Avant de tourner, Beverly a improvisé quelques répliques bien tranchantes de son cru » (1). Tourné en cinq jours seulement, It Conquered the World met en effet en vedette une habituée du genre. Actrice fétiche et compagne de Corman à l’époque, Garland joue dans de nombreuses séries B très distrayantes depuis le début des années 50 et s’y connaît en créatures bizarres. Ses deux partenaires masculins sont deux futures superstars : Lee Van Cleef donc, qui sera le cowboy impitoyable de Le Bon, la brute et le truand, et Peter Graves, alias Monsieur Phelps dans la série Mission impossible.
Le concept du film est lui-même joyeusement farfelu. Van Cleef incarne en effet un savant illuminé, Tom Anderson, qui discute avec son ami Vénusien grâce à une radio qu’il a installée derrière un rideau dans son salon, sous le regard exaspéré de son épouse. Van Cleef parle en anglais, l’alien lui répond avec des bruits électroniques bizarres, mais les deux semblent parfaitement se comprendre. Lorsque la soucoupe de l’extra-terrestre à la dérive s’écrase dans une petite ville américaine, plus rien ne marche aux alentours : les trains, les machines, les tourne-disques, les téléphones, les grues, les horloges, les voitures, les avions… Les dialogues qui suivent ne manquent pas de sel. « Admettons que tu aies raison, qu’une intelligence supérieure soit venue de Venus, se soit installée chez nous, ait coupé toutes les sources d’énergie et s’apprête à prendre le contrôle de la population », dit le professeur Nelson (Peter Graves) à son ami Anderson. « Dans ce cas, pourquoi ne cherches-tu pas à l’arrêter ? » Sans sourciller, ce dernier lui répond : « Il se trouve que cette intelligence supérieure est un de mes amis proches. » Totalement illuminé, notre savant alienophile est même prêt à l’aider à conquérir la Terre en ciblant des hommes influents qu’il lui faut contrôler, façon L’Invasion des profanateurs de sépultures, à l’aide de petites créatures volantes aux allures de chauves-souris en caoutchouc – que Corman réutilisera pour The Undead, il n’y a pas de petites économies !
Le concombre géant venu de l’espace
Au-delà du trio d’acteurs principaux qui s’efforcent de jouer ce scénario absurde au premier degré, Corman convoque deux de ses seconds rôles favoris pour incarner des trouffions idiots et inefficaces, Dick Miller et Jonathan Haze. Mais la star du film est sans conteste le Vénusien lui-même, dont le design – œuvre de Paul Blaisdell, coutumier du fait – dépasse l’entendement. Comment le décrire autrement que comme une sorte de concombre géant affublé de deux yeux luisants, de dents pointues, de pinces de crabe et d’un crâne pointu orné d’antennes ? Corman fait ce qu’il peut pour le cacher dans la pénombre de la grotte enfumée où il a trouvé refuge ou n’en montrer que quelques bouts épars (une pince par ci, un œil par-là). Mais rien à faire : cette bête déclenche de gros éclats de rire à chacune de ses apparitions et ses positionne allègrement sur le podium des monstres les plus ridicules de l’histoire du cinéma. Une fois la bête vaincue, Peter Graves se lance dans une grande tirade moralisatrice (« Il y a de l’espoir, mais il doit venir de l’intérieur, de l’homme lui-même ») qu’il est bien sûr très difficile de prendre au sérieux. Présenté en double programme avec The She Creature lors de sa première sortie en 1956, It Conquered the World est devenu l’un des chouchous des amateurs de SF rétro et absurde.
(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990
© Gilles Penso
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