LE MONSTRE DE L’OCÉAN (1954)

Le tout premier film produit par Roger Corman raconte les méfaits d’une bête redoutable tapie au fond des eaux de la côte mexicaine…

MONSTER FROM THE OCEAN FLOOR

 

1954 – USA

 

Réalisé par Wyott Ordung

 

Avec Anne Kimbell, Stuart Wade, Dick Pinner, Wyott Ordung, Inez Palange, Jonathan Haze, David Garcia, Roger Corman

 

THEMA MONSTRES MARINS

Le Monstre de l’océan marque les débuts de producteur du très prolifique Roger Corman, qui fait là ses premiers pas dans le métier après avoir participé au polar La Tueuse de Las Vegas. L’idée de ce petit film fantastique lui vient en lisant un article du « Los Angeles Times » consacré à un sous-marin monoplace fabriqué par la compagnie Aerojet General. Aussitôt, son cerveau se met en ébullition : pourquoi ne pas demander aux constructeurs de l’engin de le lui prêter pour tourner des séquences aquatiques inédites, en échange d’une publicité gratuite pour leur invention ? L’affaire est conclue aussitôt. « Cette histoire de monstre marin a coûté 12 000 dollars cash avec un crédit de 5000 dollars de frais de laboratoire, et en a finalement rapporté 100 000 », raconte-t-il fièrement. « Très vite, j’ai obtenu une avance de la part du distributeur de ce film, ce qui m’a permis de financer le suivant. » (1) Car Corman est un malin. Pas question de perdre de temps ni d’argent. Le Monstre de l’océan est filmé en six jours seulement (avec deux jours supplémentaires pour les scènes sous-marines) et chaque centime dépensé doit se voir à l’écran. L’équipe est réduite à son strict minimum et c’est l’un des acteurs du film, Wyott Ordung, qui se voit confier la mise en scène en échange d’un salaire microscopique. Le système D fonctionne déjà à plein régime.

Après une voix off grandiloquente affirmant que de sinistres légendes autour d’un monstre marin hantent les côtes de Tijuana, nous assistons à la rencontre charmante mais parfaitement improbable entre Julie (Anne Kimbell), une jeune dessinatrice qui se plaît à esquisser les paysages côtiers pour changer des appareils électroménagers qu’elle peint pour gagner sa vie, et Steve (Stuart Wade), un biologiste marin qui se déplace dans un bathyscaphe pour explorer l’océan (le fameux sous-marin d’ Aerojet General qui a motivé la mise en chantier du film). Bientôt, un scaphandre vide est retrouvé dans les fonds marins. Où est donc passé le plongeur ? Or d’autres disparitions d’humains et d’animaux semblent être survenues par le passé, suivies chaque fois par l’apparition d’étranges traces sur le sable. Selon les témoignages locaux, une « bête » gigantesque frapperait les nuits de pleine Lune. Curieuse et inquiète, Julie décide d’enquêter, même si le fier Steve pense que ce ne sont que des superstitions sans fondement : « vous êtes une femme adorable, mais les femmes adorables ne devraient pas se préoccuper de monstres marins qui n’existent pas ! ». Le macho raisonnable remet ainsi à sa place la jeune femme fantasque avant de lui chatouiller affectueusement le menton, comme il se doit. Ah, les années 50 !

L’attaque de l’amibe géante

Budget oblige, le film est principalement constitué de dialogues filmés en champ et contrechamp (sur la plage, à la terrasse d’un restaurant, à bord d’un bateau, dans un jardin, sur le port). Au bout d’une demi-heure, une lassitude bien légitime s’installe, d’autant que les propos échangés ne sont pas follement passionnants. Nous avons même droit à une scène de sérénade dans une crique (car le beau biologiste est aussi chanteur et guitariste !). Quelques séquences sous-marines contemplatives rompent un peu cette monotonie, avec l’apparition timide d’une pieuvre et de quelques requins. Soudain, une scène de panique survient enfin sur la plage en pleine nuit. Julie croit voir le monstre… mais ce n’est qu’une vache ! Il faudra attendre la toute fin du métrage pour apercevoir la bête : une sorte d’amibe disproportionnée aux tentacules multiples et à l’œil unique phosphorescent (en réalité une petite marionnette filmée dans un aquarium) qui s’agite mollement face au bathyscaphe de notre héros. Comme nous sommes dans les fifties, nous apprenons que ce monstre est né suite à des expériences atomiques menées dans la région après la guerre. Rien de bien folichon, donc, mais ce film aura au moins eu le mérite de lancer la carrière de l’infatigable Roger Corman.

 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso


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