L’équipe de nuit d’un supermarché est méthodiquement massacrée par un tueur qui se cache parmi eux…
INTRUDER
1989 – USA
Réalisé par Scott Spiegel
Avec Liz Kern, Renée Estevez, Dan Hucks, David Byrnes, Sam Raimi, Eugene Robert Glazer, Billy Marti, Burr Steers, Craig Stark, Ted Raimi, Bruce Campbell
THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND
Proche de Sam Raimi et Bruce Campbell qu’il connaît depuis l’adolescence, Scott Spiegel a réalisé 25 courts-métrages et co-écrit le scénario d’Evil Dead 2 avant de s’attaquer à son premier long en tant que réalisateur. Initialement titré The Night Crew (« L’équipe de nuit »), le film est finalement rebaptisé Intruder à la demande des distributeurs qui préfèrent quelque chose de plus agressif et de plus frontal. Il s’agit en fait de la version longue d’un court que Spiegel avait tourné en super 8 et qui s’inspirait à la fois d’Halloween et de sa propre expérience en tant qu’employé du Walnut Lake Market dans le Michigan. Budget restreint oblige, Intruder est tourné pendant deux semaines seulement, la nuit, dans un véritable magasin vide loué à l’équipe du film qui s’occupe de remplir tous ses rayons avec des produits défectueux achetés au poids. La pellicule 35 mm utilisée pour le tournage provient quant à elle de stocks périmés, preuve que le système D prime pendant toute la réalisation. La qualité du résultat n’en est que plus exemplaire. Car si Intruder est rarement cité parmi les slashers marquants des années 80, c’est une œuvrette que tout fan du genre se doit de découvrir ou de redécouvrir.
Le concept du film est simple : alors qu’un supermarché ferme ses portes le soir et que les employés commencent à réapprovisionner les rayons pour le lendemain, un tueur caché parmi eux se met à frapper, muant la soirée en véritable hécatombe. Pour mettre son film en image, Spiegel fait preuve d’une inventivité sans cesse en éveil, preuve de sa communauté d’esprit avec Sam Raimi. Il embarque ainsi sa caméra dans les caddies pour des plans subjectifs insolites, joue avec les reflets, saisit ses comédiens en plongée ou en contre-plongée extrême, opte pour des cadrages obliques déstabilisants lors de certaines conversations, filme depuis l’intérieur d’une poubelle ou d’un seau, à travers une bouteille ou même sous un cadran téléphonique pendant un coup de fil… Cet enchaînement d’idées visuelles ne procède pas seulement du gimmick. Elles renforcent la plupart du temps le malaise, laissent sans cesse peser une menace indéfinissable sur ses personnages et jouent parfois la carte de la métaphore. Comme lorsqu’une jeune femme évoque le séjour en prison de son ex, la caméra plaçant alors une grille à l’avant-plan qui semble enfermer la comédienne.
L’assassin en connaît un rayon
Les lieux communs du slasher ne nous sont certes pas épargnés (la caméra subjective qui accompagne les pas d’un tueur pendant qu’il respire fortement, les coups de téléphone anonymes répétés, les ombres portées inquiétantes) et le jeu de massacre finit par devenir un peu mécanique, mais les trouvailles multiples du cinéaste évitent que la routine s’installe. D’autant que plus le film avance, plus les meurtres deviennent brutaux et gore, sollicitant des effets spéciaux de maquillage saisissants signés par l’atelier KNB. Parmi la sympathique petite troupe de comédiens qui s’animent dans les rayons du magasin, on s’amuse à découvrir Sam Raimi pour une fois de l’autre côté de la caméra, jouant les employés naïfs aux côtés de son frère Ted Raimi, même si leurs rôles respectifs restent à l’arrière-plan et s’ils ne partagent aucune scène ensemble. Bruce Campbell lui-même fait une petite apparition en toute fin de métrage, achevant de faire d’Intruder une « affaire de famille » post-Evil Dead. Spiegel signera plus tard Une nuit en enfer 2 et Hostel 3, tout en continuant à multiplier les petits rôles dans les films de Sam Raimi (Darkman, Mort ou vif, Spider-Man 2, Jusqu’en enfer et Doctor Strange in the Multiverse of Madness). Quant au producteur Lawrence Bender, il entrera ensuite dans la cour des grands avec Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Will Hunting, Jackie Brown, Kill Bill, Tu ne tueras point et beaucoup d’autres films à succès.
© Gilles Penso
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