LA MAISON QUI TUE (1971)

Dans ce film à sketches inspiré des écrits de Robert Bloch, Peter Cushing, Christopher Lee et Ingrid Pitt occupent à tour de rôle une étrange demeure…

THE HOUSE THAT DRIPPED BLOOD

 

1970 – GB

 

Réalisé par Peter Duffel

 

Avec Peter Cushing, Christopher Lee, Ingrid Pitt, Tom Adams, Denholm Elliot, Jon Pertwee, Joanna Dunham

 

THEMA VAMPIRES I TUEURS

La Maison qui tue est un film à sketches dont chaque segment est tiré d’une histoire courte écrite par Robert Bloch, le célèbre auteur de la nouvelle qui donna naissance à Psychose. L’écrivain réadapte lui-même ses textes – datant de 1939, 1947 et 1962 – pour les muer en scénarios. Si le vétéran Freddie Francis (L’Empreinte de Frankenstein, Le Train des épouvantes, Dracula et les femmes) est initialement envisagé à la réalisation, l’homme doit décliner l’invitation à cause d’un projet qui le retient en Californie mais qui malheureusement ne verra pas le jour. C’est Peter Duffel (surtout habitué aux épisodes de séries TV) qui est chargé de le remplacer. Ce dernier souhaiterait appeler le film « La Jeune fille et la mort », en référence à la composition de Franz Schubert qui sera présente dans la bande originale. Mais le producteur Milton Subotsky veut absolument le mot « sang » dans le titre, d’où The House that dripped blood (« La maison d’où coulait le sang »). Le film raconte la disparition de Paul Henderson, une star de cinéma, dans une grande demeure se dressant fièrement dans la campagne anglaise. En enquêtant sur cette étrange affaire, un agent de Scotland Yard (John Bennett) découvre que la maison, aujourd’hui inhabitée, a déjà été le théâtre d’événements étranges par le passé. D’où un enchaînement de sketches mettant en vedette quelques-unes des gloires du fantastique britannique.

Le premier segment, « Method for Murder », montre l’installation d’un couple (Denholm Elliot et Joanna Dunham) dans la fameuse maison. L’époux est un écrivain spécialisé dans les histoires d’horreur qui est progressivement hanté par le tueur de son dernier roman. Il commence à l’apercevoir dans les miroirs, l’entend rire, le voit surgir dans les bois voisins… « Un auteur qui crée un personnage est comme un acteur qui endosse un rôle », affirme-t-il paniqué. « Parfois, le rôle prend le dessus. » Un rebondissement théâtral clôt cette histoire. Peter Cushing tient la vedette du second segment, « Waxworks », dans lequel il incarne Philip Grayson, un businessman à la retraite heureux de pouvoir emménager dans cette paisible demeure. Enfin libéré du rythme éreintant de son activité professionnelle, il prend le temps de se prélasser, d’écouter de la musique, de flâner dans le village voisin. Ces déambulations le conduisent dans un musée des horreurs, où il tombe nez à nez avec une statue de cire à l’effigie de Salomé qui le fascine totalement. Ce n’est pas tant la tête coupée qui git sur le plateau porté par la belle qui le trouble, que l’étrange ressemblance de la sculpture avec sa défunte épouse… Le sketch révèle son lot de surprises, mais c’est surtout le jeu de Cushing qui retient l’attention. Ses regards tristes et ses sourires empreints de mélancolie contaminent le spectateur qui entre aussitôt en empathie avec le personnage. Ce rôle est d’autant plus marquant que la vie privée de l’acteur sera frappée l’année suivante par la perte de son épouse Helen, un deuil dont il ne se remettra jamais vraiment.

« Bela Lugosi, pas l’autre gars ! »

Christopher Lee intervient dans le segment « Sweets to the Sweet », dans le rôle d’un businessman austère et sévère nommé John Reid. En emménageant dans la vaste maison, il engage une enseignante pour s’occuper de sa fille Jane et lui servir de tutrice. Terrifiée par le feu, la fillette semble cacher un lourd secret, ce que confirmera un dénouement éprouvant. Dans « The Cloak », le dernier sketch, l’acteur spécialisé dans les films d’horreur Paul Henderson (Jon Pertwee, connu pour avoir interprété Doctor Who) et sa femme Carla (Ingrid Pitt) s’installent dans le manoir pour un nouveau tournage. Sur le plateau, Henderson s’agace face au manque de réalisme des décors et s’exalte en se souvenant des bons vieux films d’horreur, comme Dracula. « Celui avec Bela Lugosi », s’empresse-t-il de préciser, « pas avec l’autre gars ! » (une petite pique à l’encontre de Christopher Lee dans les films Hammer !) Dans sa loge, il découvre un jour la carte d’un marchand de costumes et de perruques, l’étrange Von Hartmann (Geoffrey Bayldon) qui le reçoit et lui vend pour une somme dérisoire une cape de vampire… Oscillant en permanence entre le premier et le second degré, cultivant un humour semi-parodique plutôt réjouissant, ce sketch offre une variante surprenante du vampirisme qui se transmet ici par un vêtement. Ingrid Pitt y joue un rôle presque autobiographique, celui d’une comédienne spécialisée dans les personnages de suceuses de sang. Tout au long du film, Peter Duffel soigne sa mise en scène et profite du charisme de son casting prestigieux. Mais le scénario déçoit souvent, la maison n’étant finalement qu’un prétexte un peu artificiel qui ne provoque jamais les drames mais sert simplement de point commun entre les sketches.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article