Une émission télévisée des années 70 consacrée aux phénomènes paranormaux tourne très mal…
LATE NIGHT WITH THE DEVIL
2023 – USA / AUSTRALIE / ÉMIRATS ARABES UNIS
Réalisé par Colin Cairnes et Cameron Cairnes
Avec David Dastmalchian, Laura Gordon, Ian Bliss, Fayssal Bazzi, Ingrid Torelli, Rhys Auteri, Georgina Haig, Josh Quong Tart
THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I DIABLE ET DÉMONS
Late Night With the Devil est le troisième long-métrage des « Cairne Brothers », un duo de réalisateurs australiens spécialisés dans l’horreur, à qui nous devons 100 Bloody Acres (2012) et Scare Campaign (2016). Si leurs deux précédents faits d’arme sont restés relativement confidentiels, celui-ci risque de marquer plus durablement les mémoires grâce à sa mise en forme, sa tonalité et son écriture particulièrement atypiques. En s’inspirant d’un véritable talk-show des années 70, le « Don Lane Show », Colin Cairnes et Cameron Cairnes imaginent une fausse émission télévisée diffusée en direct le soir d’Halloween. « Dans les années 70 et 80, la télévision de fin de soirée avait quelque chose d’un peu dangereux », expliquent-ils. « Les talk-shows, en particulier, étaient une fenêtre sur un étrange monde d’adultes. Nous avons pensé qu’en combinant cette atmosphère chargée, en direct, avec le surnaturel, nous pourrions créer une expérience cinématographique unique et effrayante ». (1) À la fois fausse émission TV live et faux documentaire décrivant l’envers du décor pendant les pauses publicitaires, Late Night With the Devil commence sur un ton très léger pour faire basculer progressivement les spectateurs dans l’inquiétude…
Dans ce pseudo-film d’archive relatant les événements inexpliqués survenus la nuit du 31 octobre 1977, nous découvrons donc « Night Owls with Jack Delroy », une émission à succès qui fait de la concurrence au « Tonight Show » de Johnny Carson sans pour autant parvenir à battre son audience. Pour ne pas rester l’éternel challenger, l’animateur invite des célébrités, crée des happenings, dépasse parfois les bornes, interviewe même sa propre épouse Madeleine alors qu’elle est en phase terminale de son cancer, mais rien n’y fait. « Night Owls » est toujours en seconde position derrière le « Tonight Show ». Après sa période de deuil, Jack Delroy revient en piste avec la ferme intention de créer une soirée télévisée inoubliable. Le soir d’Halloween, il consacre son show à l’occultisme et réunit des invités spéciaux : le médium exubérant Christou, le magicien sceptique Charmichael Craig, la parapsychologue June Ross-Mitchell et Lilly, 13 ans, une fillette qui est prétendument possédée par un esprit démoniaque. L’animateur espère que ce cocktail va créer des étincelles sur son plateau. Il ne croit pas si bien dire…
Talk chaud
La minutie de la reconstitution du style télévisuel de la fin des années 70 est la première qualité de Late Night With the Devil. Même si nous savons pertinemment que tout ce que nous voyons est faux – les deux auteurs/réalisateurs n’hésitant d’ailleurs pas à forcer le trait pour renforcer la complicité des spectateurs -, ce « Night Owls with Jack Delroy » semble plus vrai que nature et David Dastmalchian se révèle parfait en animateur TV de l’époque dont il imite non seulement le look mais aussi le maniérisme. La clé de la réussite du film est son équilibre. L’aspect parodique est sous-jacent sans jamais pour autant passer au premier plan. Le film fait rire, bien sûr, parce que telle est sa vocation première. Mais plus l’émission dure, plus l’étrangeté s’invite face aux caméras et en coulisses, plus l’atmosphère devient étrange et malsaine, comme dans ce fameux court-métrage Too Many Cooks de Casper Kelly qui transformait progressivement un programme télévisé festif en cauchemar absurde. Et lorsque l’épouvante puis l’horreur surgissent brutalement dans l’émission, le mélange des genres suscite un malaise inattendu, jusqu’à un final profondément nihiliste. Voilà donc un remarquable exercice de style qui parvient à se réapproprier plusieurs thèmes classiques du genre pour les accommoder à une sauce totalement inédite.
(1) Extrait d’un entretien publié dans « Variety » en février 2022
© Gilles Penso
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