La cousine de l’incroyable Hulk fait ses premiers pas à l’écran dans cette série TV semi-parodique bien peu palpitante…
SHE HULK: ADVOCATE OF THE LAW
2022 – USA
Créée par Jessica Gao
Avec Tatiana Maslany, Ginger Gonzaga, Tim Roth, Mark Ruffalo, Steve Coulter, Renée Elise Goldsberry, Josh Segarra, Mark Linn-Baker, Jon Bass
THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE
Les raisons qui ont présidé à la naissance du personnage de Miss Hulk sont pour le moins triviales. À la fin des années 70, Universal TV possède les droits d’adaptation du personnage de l’incroyable Hulk, via la série à succès produite par Kenneth Johnson. Craignant que le studio ne crée sa propre version féminine du super-héros (comme Super Jaimie qui fut une réponse à la popularité de L’Homme qui valait trois milliards) et en conserve le copyright, Stan Lee initie en vitesse le lancement d’un comic book consacré à un Hulk en jupons. Lorsqu’en février 1980 les lecteurs découvrent la couverture dessinée par John Buscema montrant une pimpante jeune femme et son alter-ego improbable (une sorte de Hulk en décolleté à la longue crinière ébouriffée !), certains croient à une blague. Pourtant Miss Hulk débarque bel et bien chez les marchands de journaux et connaît son heure de gloire. Plusieurs adaptations de ses aventures à l’écran sont même envisagées mais finissent par être abandonnées. La plus fameuse d’entre elles est prévue pour le réalisateur Larry Cohen (Le Monstre est vivant, Meurtres sous contrôle, L’Ambulance) et l’athlétique comédienne Brigitte Nielsen (qui à l’époque posa dans la tenue du personnage en attisant la curiosité des fans). C’est finalement le studio Marvel – en quête de nouveaux personnages à mettre en scène dans ses multiples séries TV – qui donne corps au personnage afin d’alimenter la plateforme Disney +.
Pour l’occasion, les scénaristes réinventent les origines de la super-héroïne. Dans le comics original, l’avocate Jennifer Walters est blessée par balle lors d’un règlement de compte et c’est un don de sang de son cousin Bruce Banner qui va la transformer en Miss Hulk. Dans la série, la transfusion sanguine s’opère suite à un accident de voiture provoqué par le surgissement d’une soucoupe volante ! Voilà qui donne un avant-goût de l’approche absurde voulue par Jessica Gao (Robot Chicken, Rick et Morty), créatrice et scénariste en chef du show. Dès les premières minutes, on brise le quatrième mur pour donner le ton. Le téléspectateur sera le confident de notre héroïne qui, en dépit de toute logique, va s’adresser régulièrement à lui et lui donner des coups de coude complices. Ce procédé se révèle bien trop artificiel pour renforcer un quelconque sentiment d’immersion ou d’identification. C’est même le contraire qui se produit. Sentant bien que cette histoire est à considérer avec légèreté, le public se distancie de la série qu’il regarde au mieux avec un regard amusé, au pire avec une moue embarrassée.
Verte et pas mûre
Tous plus futiles les uns que les autres, les scénarios tournent autour de l’inscription de notre héroïne à un site de rencontre, sa capacité à trouver une robe qui la mette en valeur, son invitation au mariage d’une amie d’enfance, sa rivalité avec une influenceuse spécialisée dans les produits de beauté, son attente désespérée du SMS de son petit-ami… Même si la cible visée est de toute évidence principalement pré-adolescente et féminine, cette tendance à prendre les téléspectateurs pour des écervelés dénote d’une condescendance très incommodante. Même lorsqu’elle essaie de brocarder le machisme ordinaire, la série se contente de dresser une série de portraits d’hommes brutaux, idiots ou imbus d’eux-mêmes en forçant tellement le trait que toute critique devient contre-productive. Dans une tentative désespérée de dynamiser ses intrigues, She Hulk sollicite plusieurs guests de l’univers Marvel (Bruce Banner, Abomination, Wong, Daredevil) dans des versions caricaturales et burlesques. Les images de synthèse approximatives utilisées pour donner corps à la super-héroïne n’arrangent évidemment rien. Et que dire de ce dernier épisode qui – en nous plongeant dans une mise en abîme censée remettre en question les processus créatifs du Marvel Studio – ne peut s’interpréter autrement que comme le constat d’échec d’un système d’écriture et de production arrivé au bout de ses propres limites. Il ne nous reste plus qu’à rêver d’un monde parallèle dans lequel c’est la Brigitte Nielsen des années 90, le regard sévère, la crinière folle et le muscle bandé, qui incarne She Hulk face à la caméra de Larry Cohen.
© Gilles Penso
Partagez cet article