

Cette adaptation de La Couleur tombée du ciel de Lovecraft montre les effets d’une contamination monstrueuse dans une ferme du Tennessee…
THE CURSE
1987 – USA / ITALIE
Réalisé par David Keith
Avec Will Wheaton, Claude Akins, Malcolm Danare, Cooper Huckabee, John Schneider, Amy Wheaton, Steve Carlisle, Kathleen Jordon Gregory, Hope North
THEMA MUTATIONS
Un peu plus de vingt ans après Le Messager du diable, première adaptation cinématographique officielle de la nouvelle La Couleur tombée du ciel d’H.P. Lovecraft, le producteur Ovidio G. Assonitis (Le Démon aux tripes, Tentacules, Piranhas 2) décide d’en initier une nouvelle version. Au vu du passif de notre homme, clairement porté sur les séries B au niveau qualitatif très discutable, on se doute qu’il ne s’agira pas d’un long-métrage destiné à marquer les mémoires. Étrangement, le roi du gore poétique Lucio Fulci, qui fut lui-même largement influencé par Lovecraft (Frayeurs, La Maison près du cimetière, L’Au-delà), participe au film en tant que producteur associé (crédité ici sous le nom francisé de Louis Fulci). Il aurait également assuré la réalisation de deuxième équipe et la supervision des effets optiques sans en être crédité. Le nom de Lovecraft n’apparaît pas non plus au générique, ce qui peut surprendre dans la mesure où le scénariste David Chaskin (La Revanche de Freddy, Lectures diaboliques) s’y réfère directement. Annoncé sous le titre The Well (« Le puits »), tourné sous celui de The Farm (« La Ferme ») et finalement baptisé The Curse (« La malédiction »), le film est mis en scène par David Keith, un acteur à la carrière prolifique mais discrète qui fait ici ses débuts derrière la caméra.


Transposée au milieu des années 80, l’histoire reprend les grandes lignes de celle du texte original. Nathan Crane (Claude Akins), un fermier autoritaire et très religieux, est le père d’un grand dadais à la bêtise congénitale (Malcolm Danare) qui l’aide aux champs. En épousant Frances (Kathleen Jordon Gregory), il a recueilli ses enfants Zach (Will Wheaton) et Alice (Amy Wheaton), qui vivent sous son emprise. Cette famille recomposée repose sur un équilibre très instable, que vient troubler un promoteur immobilier aux dents longues (Steve Carlisle) qui se pavane dans sa Cadillac rutilante et cherche à acquérir la terre de Crane. Frances, de son côté, souffre d’une irrépressible frustration sexuelle. Chaque fois qu’elle tente une approche dans le lit conjugal, Nathan se renfrogne en déclamant des versets de la bible, tels que « abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme. » En désespoir de cause, elle se jette dans les bras de l’homme à tout faire de la ferme, un grand type trapu et velu qui la fait monter au septième ciel. Au cours d’une nuit d’adultère, alors qu’un terrible orage frappe les cieux, un objet lumineux non identifié s’écrase sur le terrain des Crane. Un liquide étrange en suinte et pénètre la terre. Une terrible contamination commence alors…
Le malheur est dans le pré
Les effets néfastes de cette substance venue d’ailleurs ne se révèlent que progressivement, conformément à la prose de Lovecraft. Les fruits et légumes se gorgent de liquides poisseux et nauséabonds, les pommes sont infestées de vers grouillants, les chevaux et les poules deviennent agressifs, les vaches se couvrent de plaies purulentes dans lesquelles rampent des insectes qui jaillissent au visage des fermiers… Les effets gore sollicités par le film ne reculent devant aucun excès, Chris Walas (La Mouche) prenant en charge les métamorphoses. Car les humains n’échappent évidemment pas à la contagion. Aveuglé comme toujours par sa foi, Nathan est persuadé que Dieu punit leurs péchés. Le titre français sous lequel le film fut exploité en VHS en France, La Malédiction céleste, peut donc s’interpréter de deux manières complémentaires : le mal venu de l’espace et la punition divine. C’est finalement une très honnête série B que nous concoctent David Keith et ses producteurs, Claude Akins (Ouragan sur le Caine, Rio Bravo) dominant le casting de manière fort impressionnante. Pour le jeune Will Wheaton, qui a 14 ans à l’époque et joue ici aux côtés de sa sœur cadette Amy, le tournage de The Curse reste un très mauvais souvenir. « Nous avons été maltraités quotidiennement », racontera-t-il des décennies plus tard. « La production n’a respecté aucune loi sur le travail. Ils nous faisaient travailler douze heures par jour, sans pause, cinq jours par semaine. J’étais épuisé tout le temps. Je me sentais si peu soutenu que je n’en ai parlé à personne. Je savais que mon père ne me croirait pas et que ma mère m’en voudrait. » (1) Échec au box-office, The Curse servira bizarrement de point de départ à une fausse franchise réutilisant son titre pour d’autres films n’ayant pourtant aucun rapport les uns avec les autres : Curse II : The Bite (La Morsure de Federico Prosperi, 1989), Curse III : Blood Sacrifice (Panga, le sorcier de Sean Barton, 1991) et Curse IV : The Ultimate Sacrifice (Catacombs, les couloirs de l’enfer, David Schmoeller, 1988).
(1) Extrait d’un article écrit par Will Wheaton en août 2022
© Gilles Penso
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