

Un beau jour, un homme ordinaire à la vie bien rangée découvre que son sexe a une conscience autonome et commence à lui parler…
ME AND HIM / ICH UND ER
1988 – USA / ALLEMAGNE
Réalisé par Doris Dörrie
Avec Griffin Dunne, Carey Lowell, Craig T. Nelson, Eilen Greene, Kelly Bishop, Kim Flowers, Bill Raymond, David Alan Grier, Kara Glover, Rocco Sisto, Nancy Giles
THEMA DOUBLES
Bernd Eichinger a commencé sa carrière de producteur au milieu des années 70 et s’est rapidement imposé comme un nom important de la cinématographie non seulement allemande mais aussi internationale. En 1988, lorsqu’il décide de se lancer dans Lui et moi, il a déjà à son actif des films de la trempe de L’Histoire sans fin ou Le Nom de la rose. Sa source d’inspiration vient cette fois-ci d’un roman grivois d’Alberto Moravia, Io e Lui, qui fit déjà l’objet d’une adaptation en 1973 à l’occasion du film homonyme de Luciana Salce, avec Lando Buzzanca et Bulle Ogier. Eichinger cherche à remettre cette histoire salace au goût du jour par le biais d’une co-production germano-américaine qui donne la vedette à un acteur comique populaire, en l’occurrence Griffin Dunne (Le Loup-garou de Londres, After Hours, Who’s That Girl, Cheeseburger Film Sandwich). Son patron sera incarné par le charismatique Craig T. Nelson (Poltergeist) et sa nouvelle collègue de travail prendra les atours séduisants de Carey Lowell (James Bond Girl dans Permis de tuer). C’est Doris Dörrie, réalisatrice allemande spécialisée dans les comédies, les drames et les romances depuis le début des années 80, qui se charge de la mise en scène, tournant ici son premier long-métrage en langue anglaise.


Dunne incarne comme souvent un homme ordinaire dont la vie simple et rangée s’apprête à basculer irrémédiablement. Il entre ici dans la peau de Bert Uttanzi, un architecte de New York marié et père d’un enfant, dont le vœu le plus cher est de concrétiser son nouveau projet afin de pouvoir offrir à sa famille la maison de leurs rêves. Mais le soir de son anniversaire, sans crier gare, il entend son pénis qui s’adresse à lui ! La crise de panique bien compréhensible qui le frappe soudain sollicite l’intervention d’une ambulance. Lorsque le médecin à qui il explique son malaise tente de résumer la situation (« Vous me dites que la voix que vous pensez entendre provient de votre zone génitale ? »), le caractère absurde de la situation n’échappe à personne. Pourtant, Bert doit se rendre à l’évidence : son sexe lui parle. Affamé, le capricieux pénis se met à titiller Bert pour le pousser à balayer d’un revers de main sa vie tranquille et à multiplier les aventures avec toutes les femmes attirantes qui croiseront son chemin. Comment gérer une telle soif de libido ? Le jour où une ravissante nouvelle collègue de travail débarque dans le cabinet où il travaille, les choses commencent sérieusement à se compliquer…
Occasion manquée
Avec un postulat pareil, deux options se profilaient à l’horizon : la slapstick sophistiqué façon Blake Edwards ou la comédie graveleuse et potache. Les deux possibilités offraient un potentiel intéressant, mais bizarrement Doris Dörrie n’en choisit aucune. Lui et moi est en effet un film désespérément tiède qui ne sait visiblement que faire de son concept. L’humour que déploie le scénario laisse perplexe dans la mesure où la plupart des gags tombent à plat, soit parce que les personnages adoptent des comportement parfaitement incohérents (notamment toutes les femmes qui tombent comme des mouches face aux techniques de drague pourtant grossières du protagoniste), soit parce que le timing est à côté de la plaque (l’enterrement imaginaire du pénis de Bert par exemple). Sans parler de ces nombreux moments embarrassants (la première rencontre entre Griffin Dunne et Carey Lowell dans la bibliothèque, le numéro musical final). Il y avait pourtant matière à tourner en dérision les incompatibilités apparentes des raisonnements masculins et féminins (ce que fera habilement Nancy Meyers dans Ce que veulent les femmes) et surtout à créer une infinité de quiproquos avec un homme parlant à son sexe dont il est seul à entendre la voix. On repense à cette scène de L’Aventure intérieure où Martin Short discutait avec Dennis Quaid miniaturisé dans les toilettes publiques. En quelques secondes, Joe Dante nous déridait avec beaucoup plus d’efficacité que n’y arrive Doris Dörrie en 90 minutes. Lui et moi est donc une occasion manquée. Bernd Eichinger ne lâchera pourtant pas l’affaire et produira en 2000 une autre adaptation du roman de Moravia, Ils ne pensent qu’à ça ! de Marc Rothemund.
© Gilles Penso
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