

Des dizaines de dinosaures animés par Ray Harryhausen et Willis O’brien prennent vie dans ce documentaire animalier atypique…
THE ANIMAL WORLD
1956 – USA
Réalisé par Irwin Allen
Avec les voix de Theodore Von Eltz et John Storm.
THEMA DINOSAURES I SAGA RAY HARRYHAUSEN
Le producteur Irwin Allen, futur créateur de séries télévisées de science-fiction à succès (Perdus dans l’espace, Au cœur du temps, Voyages au fond des mers) et initiateur de films catastrophe monumentaux (La Tour infernale, L’Aventure du Poséidon), se fait remarquer dès 1953 par le documentaire The Sea Around Us, inspiré d’un best-seller de Rachel Carson, qui lui permet de remporter un Oscar. Très fier de sa statuette, il décide d’enchaîner avec une « séquelle » racontant le développement de la vie animale sur Terre, depuis les microbes jusqu’aux hommes, qu’il baptise Le Monde des animaux. Il envoie donc plusieurs cameramen en pleine nature pour qu’ils lui ramènent des images vivantes et sauvages de fauves, d’insectes, de singes, etc. Plus de 800 000 mètres de pellicule sont ainsi enregistrés et ramenés à Allen qui se charge de les faire monter par Gene Palmer et Robert A. Belcher et d’y adjoindre un commentaire off déclamé par Theodore Von Eltz et John Storm. Pour la première partie de son film, Allen souhaite évoquer la préhistoire et l’âge des dinosaures, et il fait naturellement appel aux spécialistes de la stop-motion Willis O’Brien (King Kong) et Ray Harryhausen (Le Monstre des temps perdus) pour s’en charger, sous les conseils éclairés du docteur Charles L. Camp, professeur de paléontologie à l’Université de Californie. « J’avais un peu de temps libre avant mon film suivant, Les Soucoupes volantes attaquent, et j’ai accepté ce travail qui ne m’a pris que six ou sept semaines », raconte Harryhausen. « Willis O’Brien a conçu tous les arrière-plans peints et les maquettes, et mon travail fut simplement de l’animation. » (1)


Cette séquence d’une dizaine de minutes s’ouvre sur la période jurassique, au cours de laquelle nous observons d’abord un brontosaure qui broute la cime d’un arbre puis pond des œufs. Un allosaure effraie le gigantesque végétarien, tandis qu’éclosent les œufs du brontosaure. Un stégosaure est tué par un terrible cératosaure, mais avant que le prédateur ne puisse s’en repaître, l’un de ses semblables survient et un combat sauvage s’ensuit, à l’issue duquel les deux monstres tombent du haut d’une falaise. Plus tard, au cours du Crétacé, un tyrannosaure est sur le point d’affronter un tricératops, mais la lutte est interrompue par un cataclysme gigantesque. Le tyrannosaure disparaît alors dans une faille créée par un glissement de terrain, tandis que les éruptions volcaniques et les tremblements de terre provoquent la mort de tous les dinosaures vus jusqu’alors. Les décors miniatures, assez simplifiés, sont principalement des éléments de végétation à l’avant-plan, notamment des palmiers et des fougères en étain, prolongés par des maquettes de montagnes à l’arrière-plan et des peintures en toile de fond. Le prologue du Monde des animaux étant assez proche du projet avorté Evolution de Harryhausen (un court-métrage racontant les premiers pas des dinosaures sur la Terre), celui-ci en profite pour recycler l’une des idées visuelles de son court métrage inachevé, à savoir l’entrée dans le champ à l’avant-plan d’un allosaure qui saute et menace un brontosaure. L’effet s’avère toujours aussi efficace du double point de vue dramatique et dynamique, d’autant que la vivacité du carnassier contraste avec les mouvements lents et pesants du végétarien.
« Deux milliards d’années en formation ! »
Irwin Allen étant avant tout un homme de spectacle, l’idée de montrer des dinosaures sans affrontement avec des hommes a quelque chose de frustrant. Alors, contournant l’anachronisme, il se permet une petite dérive, montrant ce qui se serait passé si l’être humain avait côtoyé les grands sauriens de l’ère secondaire, le temps d’une séquence brève dans laquelle un brontosaure emporte dans sa gueule un homme préhistorique, animé lui aussi image par image. Premier long-métrage à mettre en scène des dinosaures animés en couleurs, Le Monde des animaux est présenté à l’Académie des Arts et des Spectacles en 1955 par Irwin Allen et la Warner, mais il ne remporte pas d’Oscar. Le film sort en juin 1956, et bien que la séquence des dinosaures ne concerne que 15% du métrage total, c’est son argument de vente principal, notamment sur les affiches qui clament : « Deux milliards d’années en formation ! » Le succès du Monde des animaux est tout relatif, mais il entraîne tout de même une adaptation en bande dessinée éditée chez Dell en 1956 et un troisième documentaire signé Irwin Allen, The Story of Mankind qui, comme son titre l’indique, raconte l’histoire de l’humanité. Une série de différends légaux dus à la répartition des droits des images entre les différents opérateurs du film rendent finalement Le Monde des animaux invisible sur les écrans et indisponible en vidéo dans son intégralité. Seule la séquence des dinosaures aura été épargnée, ressurgissant partiellement dans une séquence onirique du film Trog (1970) et une série de diapositives de la collection View-Master.
© Gilles Penso
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