Benoît Magimel joue un double rôle dans ce thriller psychologique qui bascule lentement mais sûrement vers la paranoïa fantastique…
TROUBLE
2005 – FRANCE / BELGIQUE
Réalisé par Harry Cleven
Avec Benoît Magimel, Natacha Régnier, Olivier Gourmet, Nathan Lacroix, Christian Crahay, Patrick Descamps, Sabrina Leurguein
THEMA DOUBLES
Acteur depuis le milieu des années 80, Harry Cleven est apparu dans des films aussi divers que Rue barbare, L’Amour braque, Kamikaze ou Toto le héros. À partir de 1993, sans quitter sa carrière de comédien, il passe à la mise en scène avec le drame policier Abracadabra, puis enchaîne avec la comédie dramatique Pourquoi se marier le jour de la fin du monde ? Trouble, son troisième long-métrage pour le cinéma, contient plusieurs des obsessions et des thèmes récurrents présents dans ses films précédents, mêlant étroitement l’amour et la haine, les sentiments complexes et l’autodestruction. Fruit d’une écriture collective (au sein de laquelle Cleven s’associe à Isabelle Coudrier, Sophie Hiet, Yann Le Nivet et Jérôme Salle), le scénario de Trouble tourne autour d’un protagoniste plongé dans un engrenage dont il ne comprend pas les rouages mais qui semble vouloir se refermer sur lui comme un piège. Or lui seul détient manifestement la clé qui lui permettra d’échapper à cette situation virant au cauchemar paranoïaque. Comme dans Abracadabra et Pourquoi se marier le jour de la fin du monde ?, l’histoire de Trouble s’intéresse à des personnages ordinaires masquant des failles profondes et s’inscrit dans un contexte à priori banal. Mais ici, le Fantastique va progressivement s’immiscer dans la réalité.
Matyas Hebert (Benoît Magimel), photographe tranquille, mène une vie épanouie avec sa femme Claire (Natacha Régnier), enceinte, et leur fils de cinq ans, Pierre (Nathan Lacroix). Mais son bonheur bascule le jour où il reçoit une lettre du notaire : sa mère, qu’il croyait morte depuis longtemps, vient de décéder, et il apprend l’existence d’un frère jumeau nommé Thomas. En le rencontrant, Matyas découvre que ses parents, loin d’être morts dans un accident, l’ont abandonné à l’âge de six ans. Alors que Thomas, charmant et proche de sa famille, tente de rattraper le temps perdu, Matyas, lui, plonge dans un tourbillon de doutes. Pourquoi n’a-t-il aucun souvenir de son enfance ? Pourquoi son frère semble-t-il vouloir prendre sa place, s’immiscer dans sa vie, et se rapprocher de Claire et Pierre ? Les questions s’accumulent et l’ombre du passé semble de plus en plus menaçante. Matyas se demande si le seul moyen de comprendre ce qui se cache derrière tout cela ne serait pas de se souvenir… mais à quel prix ?
Quitte ou double
Trouble est pétri de qualités. Benoît Magimel y livre une double prestation extraordinaire, Natacha Régnier se révèle diablement convaincante, la mise en scène de Cleven est truffée d’idées visuelles intéressantes, la photographie de Vincent Mathias, la bande originale de George Van Dam et Dimitri Coppe, le design sonore méticuleux sont à l’avenant. Bref, c’est une indiscutable réussite formelle, à laquelle s’ajoutent de nombreux effets visuels hallucinants de réalisme (on finirait presque par se demander si Magimel n’a pas vraiment un frère jumeau qui lui donne la réplique). La déception que finit par procurer le film n’en est que plus grande. Car Cleven, au lieu de pleinement exploiter le potentiel de son idée de départ pour faire monter la pression en crescendo, joue la carte de l’encéphalogramme plat. Dénué de dynamique, Trouble est un film morose, triste, lent, pesant, bref monocorde, provoquant plus d’ennui que de frissons, jusqu’à un twist final peu concluant. Ces réserves n’empêchèrent pas le jury du Festival du Film Fantastique de Gérardmer de décerner à Trouble son Grand Prix en 2005.
© Gilles Penso
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