Après avoir revu et corrigé le mythe du roi Arthur, les Monty Pythons nous proposent leur version du Nouveau Testament…
LIFE OF BRIAN
1979 – GB
Réalisé par Terry Jones
Avec Graham Chapman, John Cleese, Michael Palin, Terry Gilliam, Eric Idle, Terry Jones, Terence Bayler, Carol Cleveland, Kenneth Colley, Neil Innes, John Young
Sacré Graal avait été un galop d’essai cinématographique extrêmement concluant pour les Monty Pythons, même si sa mise en scène ne fut pas un long fleuve tranquille. Tiraillé entre les envies souvent contradictoires de ses deux réalisateurs, ce pastiche médiéval eut toutes les peines du monde à trouver sa forme définitive. Et c’est presque par miracle que les Pythons parvinrent non seulement à le terminer mais surtout à conquérir le grand public. D’un commun accord, Terry Gilliam et Terry Jones décident de ne pas coréaliser leur prochain film choral. Jones sera donc seul en charge de la mise en scène de La Vie de Brian, tandis que Gilliam (qui a déjà fait ses premières armes en tant que réalisateur solo avec Jabberwocky) assurera la direction artistique. L’idée de s’attaquer cette fois-ci au Nouveau Testament titille assez rapidement les six trublions qui se délectent déjà à l’idée de revisiter la Bible à leur sauce. Mais la société EMI, qui s’était engagé à financer le film, se retire du projet à cause d’un scénario jugé blasphématoire. Après un procès qui se règle à l’amiable, c’est finalement George Harrison qui réunit les quatre millions de livres sterling nécessaires à la mise en chantier de La Vie de Brian via sa toute nouvelle compagnie de production Handmade Films. L’ex-Beatle n’hésite pas à hypothéquer sa maison londonienne et son immeuble de bureaux, trop heureux à l’idée de voir un nouveau film des Monty Pythons sur grand écran.
Le générique en animation qui ouvre La Vie de Brian, conçu par Gilliam avec son style surréaliste inimitable, est rythmé par une chanson interprétée par une émule de Shirley Bassey qui semble vouloir parodier les « James Bond songs ». Nous découvrons alors les Rois Mages, pressés de découvrir l’enfant Jésus et de le couvrir de cadeaux. Mais ils se trompent de maison et débarquent chez les Cohen, reçus par une femme acariâtre qui vient d’accoucher du jeune Brian. Devenu adulte, celui-ci prend les traits de Graham Chapman et va connaître bien malgré lui un destin proche de celui du Christ. Victime des circonstances extérieures qui jouent souvent en sa défaveur, Brian gagne sa vie en vendant des friandises improbables dans une arène (« larmes de vierges », « otaries marinées », « langues de lézards »), adhère au Front populaire judéen, lutte contre les Romains, est compromis dans l’enlèvement de l’épouse de Ponce Pilate et devient soudain sans le vouloir un gourou adulé par une foule de partisans l’ayant proclamé prophète.
Prophète de fin d’année
Tourné en Tunisie, où il recycle à la fois les décors et les figurants de la mini-série Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, La Vie de Brian témoigne d’une augmentation sensible de moyens et de scope depuis Sacré Graal . Les Monty Pythons (qui interprètent à eux six une quarantaine de personnages différents) ont les moyens de leurs folles idées et ne se réfrènent pas. Sans bien sûr renoncer au goût de l’absurde dont ils ont fait une véritable marque de fabrique, ils bâtissent une intrigue à la structure plus classique et plus fluide que dans leur film précédent. Le scénario n’est donc pas constitué d’un collage de vignettes comiques et s’efforce de suivre pas à pas le destin de Brian. Pour autant, le délire bat toujours son plein. Les lapidations, les luttes entre romains et résistants, les guerres intestines entre les différentes factions révolutionnaires, tout prend ici une tournure joyeusement ridicule. Le summum du délire est sans doute atteint avec le surgissement d’un vaisseau spatial habité par deux extra-terrestres improbables qui embarquent momentanément Brian dans le cosmos. « Nous ne savions pas quoi faire de Brian » confesse Terry Gilliam, en charge de cette séquence spécifique. « Il se retrouvait au sommet d’une tour et nous devions le sauver d’une manière ou d’une autre, alors j’ai dit : “OK, utilisons un vaisseau spatial !“ Star Wars était sorti peu de temps auparavant, et c’était l’occasion de lui adresser un clin d’œil. » (1) Mais derrière le délire ambiant, La Vie de Brian est aussi un pamphlet redoutablement efficace contre la foi aveugle, le fanatisme religieux, la quête désespérée des messies et des sauveurs. Et lorsqu’en guise d’épilogue tous les crucifiés chantent en chœur « Regardons toujours le bon côté de la vie », le rire franc se mêle à une ironie grinçante trahissant une nature humaine décidément indécrottable.
(1) Extrait d’une interview parue sur Yahoo ! Entertainment en avril 2019
© Gilles Penso
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