FANTÔME D’AMOUR (1981)

Marcello Mastroianni et Romy Schneider sont plongés dans une romance d’outre-tombe où s’entremêlent fantasme et réalité…

FANTASMA D’AMORE

 

1981 – ITALIE / FRANCE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Dino Risi

 

Avec Marcello Mastroianni, Romy Schneider, Eva Maria Meineke, Wolfgang Preiss, Michael Kroecher, Paolo Baroni, Victoria Zinny, Giampiero Becherelli

 

THEMA FANTÔMES

Le prolifique Dino Risi est surtout connu pour ses comédies (Les Monstres, La Femme du prêtre, Rapt à l’italienne). Mais Risi est aussi le réalisateur de Parfum de femme ou Dernier amour, qui jouent plus volontiers sur la corde sensible, s’attachent à l’inquiétude de personnages hantés par le passage du temps et par les souvenirs douloureux d’un passé trop lointain. C’est dans cette veine que s’inscrit Fantôme d’amour, en y injectant une forte touche surnaturelle que son titre annonce sans détour (Âmes perdues de Risi titillait déjà la fibre nostalgique sous un angle fantastique). Fantôme d’amour est tiré d’un roman de Mino Milani publié en 1977, que le cinéaste italien transforme en scénario avec l’aide de son co-auteur Bernardino Zapponi. Ce dernier n’est pas étranger aux codes du genre puisqu’il a notamment collaboré aux scripts de Histoires extraordinaires, Fellini Satyricon, Les Frissons de l’angoisse, Léonor ou encore La Cité des femmes. La combinaison du texte de Milani et de la sensibilité combinée de Risi et Zapponi donne naissance à un récit envoûtant, sorte de romance macabre d’outre-tombe qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère de certains romans de Boileau et Narcejac.

À Pavie, dans les années 1970, Nino Monti (Marcello Mastroianni), juriste d’une cinquantaine d’années, mène une vie rangée auprès de sa femme Teresa (Eva Maria Meineke). Un jour, dans un autobus, il paie la place d’une femme à l’air misérable et malade, incapable de régler son ticket. Le soir même, elle lui téléphone pour lui rendre les cent lires et se présente comme Anna Brigatti, l’amour passionné de sa jeunesse (Romy Schneider). Troublé, Nino cherche à la revoir, mais cette vieille femme blafarde et usée par la maladie n’a plus rien à voir avec la jeune femme radieuse qu’il chérit encore dans ses souvenirs. Sa photo, soigneusement cachée dans sa bibliothèque, témoigne d’un passé qu’il n’a jamais vraiment dépassé, son mariage avec Teresa lui paraissant terne en comparaison. Lorsqu’il confie cette rencontre à un ami médecin, ce dernier lui révèle qu’Anna est morte trois ans plus tôt. Pourtant, leurs retrouvailles bouleversent la réalité : Nino la revoit telle qu’elle était autrefois, belle et pleine de vie. Mais les frontières entre mémoire, désir et vérité se brouillent, laissant Nino face à une énigme où passé et présent se mêlent inexorablement…

À la recherche du temps perdu

Si Dino Risi multiplie les étrangetés au fil de cette histoire tourmentée (les apparitions successives d’Anna vieille puis rajeunie, la confirmation de son décès, les morts suspectes et violentes dans l’entourage immédiat de Nino, la présence récurrente d’une pièce de 100 lires), il ne cherche jamais à tromper les spectateurs sur la nature véritable d’Anna dans le film. C’est un fantôme, à n’en pas douter. Don Gaspare, ce prêtre bizarre qu’incarne Michael Kroecher, est peut-être le seul à pouvoir mettre des mots sur l’étrange phénomène. « La mort est une autre forme de vie », affirme-t-il. « Nous la vivrons tous un jour. Peut-être l’avons-nous déjà vécue. » Autrement dit : si les fantômes peuvent hanter les vivants, pourquoi la réciproque ne serait-elle pas possible ? « Je sais haïr parce que je sais aimer sans limite » finit par dire Anna. Ce fantôme d’amour serait-il donc aussi celui de la rancune et de la vengeance ? Mais Nino refuse de voir l’évidence et choisit de se voiler la face pour laisser le bonheur passé contaminer son quotidien, quitte à en perdre la raison. Épaulé par le directeur de la photographie Tonino Delli Colli, Dino Risi saisit la triste photogénie des rues pluvieuses et embrumées de la vieille ville de Pavie, comme pour mieux symboliser la quête désespérée d’un temps définitivement perdu. À l’avenant, les violons envoûtants de la bande originale de Riz Ortolani, sur lesquels se promène la clarinette mélancolique de Benny Goodman, nous accompagnent pas à pas jusqu’à un épilogue languide que chacun sera libre d’interpréter comme lumineux ou lugubre.

 

© Gilles Penso

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