Un tueur psychopathe assassine méthodiquement les jeunes femmes en robe de mariée pour régler un vieux traumatisme d’enfance…
IL ROSSO SEGNO DELLA FOLIA
1969 – ITALIE / ESPAGNE
Réalisé par Mario Bava
Avec Stephen Forsyth, Dagmar Lassander, Laura Betti, Jesus Puente, Femi Benussi, Antonia Mas, Luciano Pigozzi, Gérard Tichy, Veronica Llimera
THEMA TUEURS
En 1968, Mario Bava sort tout juste du tournage de Danger Diabolik, une superproduction financée par Dino de Laurentiis qui n’aura pas le succès escompté et ne se muera que plus tard en film culte. Le cinéaste entend bien ne pas perdre le rythme et accepte donc la proposition du producteur espagnol Manuel Caño, futur réalisateur de quelques curiosités frôlant dangereusement la nanardise comme La Vengeance du zombie ou Tarzan et l’arc-en-ciel. Caño offre à Bava la mise en scène d’Une hache pour la lune de miel, un film d’horreur écrit par Santiago Moncada (La Cloche de l’enfer) et coproduit par Giuseppe Zaccariello (Femina Ridens). Le rôle masculin principal est proposé à l’acteur canadien Stephen Forsyth, que Bava sélectionne principalement pour sa photogénie (et peut-être aussi pour une certaine ressemblance avec John Philip Law qu’il vient de diriger dans Danger Diabolik). Pour lui donner la réplique, le coproducteur Zaccariello propose sa protégée Dagmar Lassander, une comédienne d’origine tchèque habituée aux rôles plus ou moins déshabillés. Mais pendant les préparatifs, l’actrice Laura Betti, qui vient de triompher dans Théorème de Pasolini, appelle Bava pour lui faire savoir son envie de travailler avec lui. Aussitôt, le cinéaste modifie le scénario afin de lui accorder une présence consistante, quitte à bouleverser la cohérence déjà fragile du récit et à provoquer la jalousie de Dagmar Lassander, pas très heureuse de partager le feu des projecteurs avec une « rivale ».
Situé à Paris mais principalement tourné à Barcelone, Une hache pour la lune de miel commence par un générique très coloré en animation, preuve que l’inventif Mario n’a rien perdu de sa créativité. Dès l’entame, les deux principales maladresses du film sautent hélas aux yeux des spectateurs : des dialogues d’une grande naïveté et un jeu d’acteurs très approximatif. Lorsque Stephen Forsyth se rase face à son miroir, se lance en voix off dans un monologue improbable (« Les mystères de la vie ont fait de moi un paranoïaque ») et écarquille les yeux pour bien nous faire comprendre son trouble mental, un rire involontaire saisit les spectateurs. Le scénario de Santiago Moncada, retravaillé officieusement par Mario Bava, Laura Betti et Mario Musy Glori, s’intéresse à un grand designer de robes de mariées qui est incapable de contrôler ses pulsions meurtrières et assassine donc les jeunes femmes lorsqu’elles sont revêtues de leurs tenues de noces… autrement dit la grande majorité des modèles qui travaillent pour lui ! Dans une chambre secrète, il entrepose de nombreux mannequins en plastique revêtus des robes dont il est le designer et s’efforce de comprendre le traumatisme d’enfance qui l’a conduit à la psychopathie…
Les noces funèbres
L’intrigue policière se révélant artificielle et maladroite et le fin mot de l’histoire cherchant ses sources chez Alfred Hitchcock (principalement dans Psychose et Pas de printemps pour Marnie), l’intérêt majeur d’Une hache pour la lune de miel réside ailleurs. Malgré la faiblesse du budget à sa disposition, Bava parvient en effet à transcender cette histoire somme toute sommaire par ses dons d’esthète toujours vivaces, sa mise en scène virtuose et quelques morceaux de bravoure dont il a le secret, déclinant au passage son obsession récurrente pour les mannequins (on pense notamment à Six femmes pour l’assassin qui se déroulait aussi dans le milieu de la haute couture). Nous garderons notamment en mémoire cette séquence de suspense savoureuse au cours de laquelle l’épouse de notre « héros », qu’il vient de trucider, agonise dans l’escalier et perd son sang au moment précis où la police entre dans l’appartement. Le tueur, pour expliquer le cri qu’a entendu le voisinage, montre alors aux policiers le film qu’il est en train de regarder à la télévision : Les Trois visages de la peur ! Jouant sans cesse sur la confusion entre la réalité et l’illusion (qu’elle soit justifiée par les rêves, les fantasmes, les souvenirs ou le monde imaginaire), Une hache pour la lune de miel s’amuse ensuite à faire réapparaître cette défunte. Les autres protagonistes continuent ainsi à voir la mariée assassinée, à la grande frayeur du coupable qui essaie en vain de se débarrasser du sac contenant ses cendres – lequel sac ne cesse de revenir le hanter. Tourné en 1968, le film connaît de gros problèmes de distribution et ne sera distribué que deux ans plus tard. La France n’aura droit qu’à une exploitation en VHS dans les années 80, sous le titre abusif de La Baie sanglante 2 !
© Gilles Penso
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