NOUS SOMMES LA NUIT (2010)

Elles sont sexy, indépendantes, fêtardes, bonnes vivantes, à la pointe de la mode… Seul petit problème : elles boivent le sang des humains !

WIND SIND DIE NACHT

 

2010 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Dennis Gansel

 

Avec Karoline Herfurth, Nina Hoss, Jennifer Ulrich, Anna Fischer, Max Riemelt, Jochen Nickel, Arved Birnbaum, Steffi Kühnert

 

THEMA VAMPIRES

Dennis Gansel rêve de son propre film de vampires depuis les années 90, plus précisément depuis cette soirée où, en rentrant d’une projection de Dangereuse alliance, il tombe sur un grand bâtiment abandonné à Berlin et commence à imaginer ce qui pourrait s’y passer. Son premier jet est écrit en 1998, mais personne ne semble prêt à le produire. Le cinéma d’épouvante allemand n’est pas vraiment au goût du jour. Gansel développe alors d’autres projets et finit par toucher le public du monde entier avec La Vague, d’après le roman de Todd Strasser, terrible constat sur la nature humaine et sur notre capacité à sans cesse répéter nos erreurs – y compris les pires. Plusieurs des idées qu’il prévoyait pour son film de vampires sont d’ailleurs injectées dans cette chronique qui fait froid dans le dos et lui redonne du crédit auprès des compagnies de production allemande. Il ne lui faut plus qu’un coup de pouce pour enfin concrétiser le projet dont il rêve. Ce sera le succès phénoménal de Twilight. Désormais, les vampires sont de nouveau à la mode. Gansel reprend alors l’écriture de son script et Nous sommes la nuit entre enfin en production. Le budget à sa disposition étant très serré et le réalisateur ne souhaitant pas sacrifier la patine de son film, il n’hésite pas à utiliser cinq caméras simultanément pour gagner du temps sur le planning de tournage.

C’est à travers les yeux de Lena (Karoline Herfurth), 20 ans, que nous entrons dans l’univers du film. Cette jeune femme marginale, qui survit grâce à de petits larcins et vit une relation conflictuelle avec sa mère, mène une existence solitaire et chaotique. Une nuit, alors qu’elle fréquente un club underground, elle attire l’attention de Louise (Nina Hoss), la mystérieuse propriétaire du lieu. Or Louise est à la tête d’un trio de femmes vampires composé de l’ombrageuse Nora (Anna Fischer) et de l’élégante Charlotte (Jennifer Ulrich). Intriguée par Lena, Louise engage la conversation et, devinant en elle une potentielle vampire, décide de la mordre lors de leur première rencontre. À son retour chez elle, Lena est paniquée. Durant la nuit, elle subit une transformation qui bouleverse son existence : une intolérance à la lumière du soleil, une faim dévorante que seule la viande crue peut apaiser et l’absence de reflet dans les miroirs. Désorientée, elle retourne au club pour obtenir des réponses. Louise lui révèle alors sa nouvelle nature immortelle et lui fait découvrir un nouveau monde où la liberté, le luxe et les plaisirs sans limites sont à portée de main…

Les prédatrices

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Dennis Gansel sait capter l’attention des spectateurs dès les premières minutes. Témoin cette séquence pré-générique étonnante qui permet au film de commencer sur des chapeaux de roue. Un avion y vole au-dessus des nuages. À l’intérieur, tout le monde – équipage, passagers – est mort, le cou ensanglanté. Seules nos trois femmes vampires, indifférentes au macabre spectacle, sont encore vivantes. Tranquillement, sans l’once d’une inquiétude, elles arrachent la porte de secours et se jettent dans le vide. Voilà un démarrage en fanfare ! Dans Nous sommes la nuit, le vampirisme devient la métaphore ultime de l’émancipation féminine. Débarrassées une bonne fois pour toutes du patriarcat – les hommes sont clairement relégués à l’arrière-plan dans le scénario -, elles n’en font qu’à leur tête. Leur propension à mener la belle vie, fréquenter les endroits à la mode, s’habiller avec luxe et festoyer jusqu’au bout de la nuit les mue presque en émules du couple qu’incarnaient Catherine Deneuve et David Bowie dans Les Prédateurs. Gansel partage d’ailleurs avec Tony Scott une volonté de repousser très loin la sophistication de son film, extrêmement soigné d’un point de vue esthétique et ne trahissant jamais la faiblesse de ses moyens. Nous sommes la nuit offre ainsi à l’éternel motif des buveurs de sang un souffle nouveau, une variante « chic » qui semble vouloir tenter le croisement contre-nature entre Entretien avec un vampire et Sex and the City !

 

© Gilles Penso


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