LE SILENCE QUI TUE (1979)

Barbara Steele entre dans la peau d’une femme névrosée et muette dans cette histoire trouble manifestement influencée par Psychose

SILENT SCREAM

 

1979 – USA

 

Réalisé par Denny Harris

 

Avec Rebecca Balding, Cameron Mitchell, Steve Doubet, Avery Schreiber, Brad Rearden, Yvonne de Carlo, Barbara Steele

 

THEMA TUEURS

Le Silence qui tue est conçu selon une méthode pour la moins étrange. Le film est en effet tourné une première fois en 1977 par Denny Harris, réalisateur à succès de films publicitaires qui rêve depuis longtemps de se lancer dans le cinéma d’horreur. Harris finance lui-même le tournage à hauteur de 450 000 dollars et utilise ses propres studios pour plusieurs décors, heureux de pouvoir porter à bout de bras ce projet indépendant. Hélas, le résultat est jugé décevant et inexploitable. Le réalisateur décide alors de s’appuyer sur le savoir-faire de Jim et Ken Wheat (futurs scénaristes de Le Cauchemar de Freddy, La Mouche 2 et Pitch Black) pour améliorer son récit. N’y allant pas par quatre chemins, les frères Wheat pensent qu’il est nécessaire de refilmer la majeure partie du film et de remplacer la quasi-totalité du casting. Si les acteurs qui incarnaient les étudiants reviennent tourner leurs séquences, Yvonne De Carlo (Les Dix Commandements), Barbara Steele (Le Masque du démon), Cameron Mitchell (La Foreuse sanglante) et Avery Schreiber (Airport 80 Concorde) viennent donc remplacer ceux qui jouaient leurs personnages à l’origine. Finalement, seules douze minutes du tournage initial seront conservées dans Le Silence qui tue.

Scotty Parker (Rebecca Balding), étudiante en Californie du Sud, cherche à la dernière minute une chambre pour le semestre d’automne. Elle est dirigée vers une pension de famille tenue par la taciturne et silencieuse Mme Engels (Yvonne de Carlo), un manoir victorien situé sur une falaise surplombant l’océan Pacifique. Mme Engels vit dans la maison avec son fils adolescent introverti et étrange, Mason (Brad Rearden), et plusieurs autres étudiants, dont Doris (Juli Andelman), Peter (John Widelock) et Jack (Steve Doubet). L’iconique Barbara Steele n’intervient qu’au bout d’une heure de métrage dans le rôle d’une femme psychotique et muette (ses séquences ayant été tournées en quatre jours seulement). Un vieux secret de famille semble hanter les lieux et peser sur le destin de ses habitants, et l’ombre de Psychose rôde ouvertement sur cette intrigue, d’autant que les meurtres au couteau commencent à frapper les protagonistes, la musique de Roger Kellaway se laissant volontiers inspirer par les célèbres coups de violons de Bernard Herrmann.

Terreur muette

Si le mystère plane sur l’identité du coupable de ces assassinats, selon le principe éprouvé du « whodunit », c’est surtout la prestation de Barbara Steele qui retient l’attention dans Le Silence qui tue. Déguenillée, le regard fou, le geste syncopé, la névropathe qu’elle incarne écoute de vieux standards sur son tourne-disque, recroquevillée sur son lit et contre une poupée à laquelle elle s’agrippe comme une bouée de secours. Dans le rôle de cette femme-enfant tourmentée et muette, vecteur paradoxal de fragilité et de terreur, la reine du cinéma horrifique italien des années 60 s’avère franchement inquiétante, sa beauté s’évaporant presque sous un masque rigide de dureté et de folie. Peu confiants dans les résultats au box-office du premier long-métrage de Denny Harris, les distributeurs ne lui offrent d’abord qu’une sortie limitée en novembre 1979. Mais l’accueil enthousiaste que lui réserve le public les pousse à en tirer de nombreuses autres copies pour élargir son exploitation en salles. La manœuvre est habile : Le Silence qui tue sera l’un des films d’horreur indépendants les plus rentables de la fin des années 70.

 

© Gilles Penso


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