ROSEMARY’S BABY (2014)

Zoe Saldana succède à Mia Farrow dans ce remake modernisé qui troque les rues new-yorkaises contre celles de Paris…

ROSEMARY’S BABY

 

2014 – USA

 

Réalisé par Agnieszka Holland

 

Avec Zoe Saldana, Patrick J. Adams, Carole Bouquet, Christina Cole, Jason Isaacs, Olivier Rabourdin, François Civil, Rosemarie La Vaullée, Eva Lutz, Frédéric Pierrot

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA ROSEMARY’S BABY

Drôle d’idée de se lancer dans une nouvelle version de Rosemary’s Baby conçue pour les petits écrans sous forme d’une mini-série en deux épisodes de 90 minutes chacun. Bien sûr, les instigateurs du projet insisteront pour dire qu’il ne s’agit pas d’un remake mais d’une réadaptation modernisée du roman d’Ira Levin. Certes, mais comment éviter la comparaison avec le chef d’œuvre de Roman Polanski ? Choisie pour succéder à Mia Farrow, Zoe Saldana ne se fait d’ailleurs pas trop d’illusions sur l’accueil du public. « Les fans du classique n’aimeront pas le nouveau, et ce n’est pas grave », dit-elle sans complexe. « Laissez-moi juste m’amuser. Une fois que j’ai évacué cette pression et cette idée que beaucoup de gens rejetteraient le principe de ce remake, j’ai saisi l’opportunité de jouer ce personnage formidable, de travailler avec cette réalisatrice extraordinaire et de séjourner à Paris pendant trois mois. » (1) Car cette nouvelle version change le cadre du récit tel que nous le connaissons. Adieu le New York de la fin des années 60, place au Paris de 2014. Ce qui permet à la star de Star Trek et d’Avatar de faire un peu de shopping dans la capitale française entre deux prises de vues et à la réalisatrice Agnieszka Holland (Europa Europa, Le Jardin secret, Rimbaud Verlaine) de saisir la photogénie de la ville sans parvenir tout à fait évacuer les clichés et les images d’Épinal.

Le thème de la grossesse contrariée est abordé dès l’entame, puisque nous découvrons d’abord une Rosemary Woodhouse dévastée qui peine à se remettre d’une fausse couche. Pour prendre un nouveau départ, elle quitte le sol américain avec Guy (Patrick J. Adams) et s’installe à Paris, renonçant momentanément à sa carrière de danseuse tandis que son époux part enseigner à la Sorbonne en essayant de terminer d’écrire son premier livre. La vie parisienne n’est pas aussi idyllique qu’ils l’auraient espéré, confinés dans un minuscule appartement universitaire, mais le destin prend une étrange tournure par l’entremise d’un pickpocket qui vole le sac de Rosemary. En parvenant à récupérer son bien, elle découvre d’autres papiers volés, appartenant à une certaine Margaux Castevet (Carole Bouquet). Celle-ci habite dans un très luxueux immeuble, la Chimère, en compagnie de son mari Roman (Jason Isaacs). Les Woohouse et les Castevet sympathisent, ces derniers offrant aux jeunes Américains la possibilité d’être leurs voisins en intégrant un bel appartement spacieux qu’ils n’auraient jamais pu s’offrir. Tout semble prendre une tournure idyllique. Bien sûr, nous savons au contraire que l’enfer s’apprête à ouvrir ses portes…

Les locataires

Force est de constater qu’Agnieszka Holland et ses scénaristes (Scott Abbott, auteur de La Reine des damnés, et James Wong, pilier de la série X-Files) cherchent à prendre leurs distances avec Polanski. Même si le cadre parisien peut parfois évoquer Le Locataire, cette relecture nous emmène volontairement ailleurs. Le rajeunissement des Castevet est un parti pris intéressant qui permet à Carole Bouquet et Jason Isaacs d’exceller dans un registre qui leur sied à merveille : la froideur sophistiquée et la duplicité suave. Ce ne sont donc plus deux vieux retraités excentriques mais de fringants quinquagénaires qui s’apprêtent à faire basculer la vie des Woodhouse dans l’horreur. Le reste du casting ne démérite pas, Saldana et Adams en tête, mais on ne peut s’empêcher de regretter la patine de téléfilm de cette œuvre signée pourtant par une réalisatrice à la personnalité marquée. Ce Rosemary’s Baby manque singulièrement de style, malgré une certaine propension à utiliser une caméra mobile, parfois portée, pour obtenir un rendu vivant et organique. La mise en scène reste très fonctionnelle et le film manque cruellement de subtilité, comme en témoignent les apparitions récurrentes du sorcier Marcato en sorte d’émule du Robert de Niro d’Angel Heart, les cauchemars excessifs de Rosemary, les morts sanglantes grandguignolesques, la symbolique appuyée du chat noir… Hésitant entre plusieurs approches, cette mini-série n’en adopte finalement aucune de manière claire et nous laisse une impression très mitigée, à la manière de ces nombreux téléfilms fades adaptant trop sagement certains écrits de Stephen King.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Entertainment Weekly en mai 2014.

 

© Gilles Penso


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