ROBOT SAUVAGE (LE) (2024)

Suite à un naufrage, un robot programmé pour assister les humains se retrouve sur une île peuplée d’animaux…

THE WILD ROBOT

 

2024 – USA

 

Réalisé par Chris Sanders

 

Avec les voix de Lupita Nyong’o, Pedro Pascal, Kit Connor, Bill Nighy, Stephanie Hsu, Matt Berry, Ving Rhames, Mark Hamill, Catherine O’Hara, Boone Storm

 

THEMA ROBOTS

Tout est parti d’une seule image, comme souvent. Un jour, Peter Brown dessine machinalement un robot dans un arbre. Interpellé par ce croquis, il laisse alors vagabonder son imagination : « Que ferait un robot intelligent s’il se retrouvait en pleine nature ? » Voilà comment est née l’idée du roman « Robot sauvage », élu en 2016 meilleur livre de l’année par le Publishers Weekly, et que l’auteur dédie « aux robots du futur ». Le nom de son personnage principal, Rozzum ou Roz, cligne de l’œil vers le roman « RUR » de Karel Capek, dont le titre est l’acronyme de « Rossum Universal Robots ». Chris Sanders découvre ce roman grâce à sa fille, et lorsque Dreamworks lui propose quelques années plus tard de l’adapter à l’écran, il ne lui faut pas longtemps avant d’accepter. « Le livre de Peter Brown était à la fois d’une simplicité trompeuse et d’une grande complexité émotionnelle », explique-t-il. « Au fil des pages, j’ai senti de plus en plus que j’étais la bonne personne pour porter ce livre à l’écran. Protéger le caractère et l’esprit d’une histoire tout en trouvant le moyen de la traduire au cinéma est une chose délicate, que l’on n’a qu’une seule chance de réussir. Je me suis senti capable de le faire » (1). Le Robot sauvage devient ainsi le cinquième long-métrage de Sanders après Lilo & Stitch, Dragons, Les Croods et L’Appel de la forêt. Auparavant, il œuvra sur les scénarios de La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion et Mulan. De toute évidence, il était effectivement « la bonne personne ».

« Notre histoire commence sur l’océan, avec du vent, de la pluie, du tonnerre, des éclairs et des vagues ». C’est ainsi que commence le roman de Brown, et c’est exactement de cette manière que démarre le film, respectueux du matériau initial même s’il choisit de prendre plusieurs fois ses distances, notamment à travers certains personnages. Mais le cœur du récit est le même, résumé en une seule phrase par un renard moins brutal qu’il ne voudrait le faire croire : « La gentillesse n’est pas une technique de survie ». La nature nous est de fait décrite de manière assez crue dans le film, le plus fort mangeant sans cesse le plus faible. Mais l’intrusion parfaitement surréaliste de ce grand robot naufragé va changer la donne et finir par prouver que, contrairement à ce que semble prôner le code de conduite de la nature sauvage, la gentillesse peut aussi se muer en technique de survie. Les bons sentiments affleurent en effet dans Le Robot sauvage, mais avec un tel naturel qu’ils font mouche. Le film prend justement le risque de tourner le dos au cynisme pour laisser s’exprimer des émotions universelles.

« Je ne suis pas programmée pour être une mère ! »

D’emblée, Sanders s’amuse du décalage entre les services d’assistance que propose l’intelligence artificielle et les besoins primaires de la vie en pleine forêt. La puissance technologique de Roz nous semble bien dérisoire et hors de propos en tel contexte. Pour permettre au robot – et aux spectateurs – de comprendre le langage des animaux dans un vocabulaire intelligible, le film utilise une idée scénaristique extrêmement habile qui évoque beaucoup les jeux de John McTiernan sur l’interprétation des langues étrangères (dans des films comme À la poursuite d’Octobre Rouge ou Le Treizième guerrier par exemple). Les bêtes restent sauvages, mais Roz utilise un algorithme de traduction qui permet d’entendre leurs propos. Lorsque la machine se découvre un instinct maternel absolument pas prévu dans ses circuits, le récit amorce son grand tournant dramatique. « Je ne suis pas programmée pour être mère », s’affole-t-elle. « Personne ne l’est ! » lui répond une maman opossum. Le parti pris esthétique du film traduit la cohabitation étrange entre la machine et la forêt, au fil d’un équilibre audacieux entre l’approche hyperréaliste (la texture métallique du robot) et un rendu impressionniste (la nature et les animaux). Le fond et la forme entrent ainsi en phase de manière somptueuse, sous l’influence manifeste des travaux de Hayao Miyazaki. Résultat : Le Robot sauvage est probablement l’un des plus beaux films d’animation de l’année 2024.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans « Animation Magazine » en juin 2024.

 

© Gilles Penso


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