PAS DE CETTE TERRE (1957)

Un extra-terrestre dont la civilisation est mourante se fait passer pour un Terrien dans le but d’étudier le sang des humains…

NOT OF THIS EARTH

 

1957 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Paul Birch, Beverly Garland, Morgan Jones, William Roerick, Jonathan Haze, Roy Engel, Dick Miller, Anna Lee Carroll

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA ROGER CORMAN

Après avoir travaillé avec Roger Corman sur le western La Loi des armes, le scénariste Charles B. Griffith lui propose de poursuivre cette collaboration avec deux petits films de science-fiction : Pas de cette Terre et It Conquered the World. Coutumier du genre depuis son début de carrière (avec des films comme Le Monstre de l’océan, The Beast with a Million Eyes ou Day the World Ended), Corman accepte tout de suite, à condition de pouvoir tourner chacune de ces séries B en deux semaines pour moins de 100 000 dollars. Pas de cette Terre raconte l’histoire d’un extra-terrestre qui se fait passer pour un être humain (Paul Birch). Sous le nom de Mr Johnson, il se promène avec un chapeau sur la tête, des lunettes de soleil sur les yeux et une étrange mallette à la main. Venu de la planète Davanna, où les habitants ont développé une maladie du sang incurable à la suite d’une guerre nucléaire, il a été envoyé sur Terre dans le but d’examiner le sang des humains pour déterminer s’il pourrait être utile pour guérir sa race mourante. Afin de remplir sa mission, Johnson s’installe dans un luxueux manoir à Griffith Park, puis engage un chauffeur/garde du corps (Jonathan Haze) et une infirmière (Beverly Garland) qui ignorent tout de sa vraie nature…

Dotant son film d’un rythme nerveux et sans temps morts, adoptant une mise en scène simple mais très fluide, Roger Corman semble gagner en assurance et en efficacité au fil des longs-métrages qu’il réalise, tout en s’appuyant sur un casting judicieux. Paul Birch est parfait sous la défroque de cet alien glacial et sans émotion aux manières guindées, Beverly Garland impeccable dans le rôle d’une infirmière pétillante au caractère trempé, Jonathan Haze joyeusement cabotin en ancienne petite frappe muée en « employé modèle ». On apprécie aussi la petite apparition de ce bon vieux Dick Miller en vendeur d’aspirateurs qui fait du porte-à-porte, improvisant une partie de ses répliques en s’inspirant de sa propre expérience passée de représentant de commerce. Malgré le budget minuscule qu’il s’octroie, Corman assume le caractère frontalement science-fictionnel du film en visualisant les pouvoirs étranges de Mr. Johnson. Sans jamais perdre son impassibilité, ce dernier brûle ses victimes humaines avec son regard blanc, conserve leur sang dans son frigo, fait disparaître les corps dans sa chaudière, puis communique régulièrement avec une autorité supérieure qui prend les allures d’une tête flottante au-dessus d’une espèce de cabine de téléportation. Le « clou du spectacle » est l’apparition finale d’un alien volant mi-chauve-souris mi-parapluie du plus bel effet !

« Je suis un acteur, je n’ai pas besoin de ça ! »

Le tournage du film est entaché par une tension croissante entre Paul Birch et Roger Corman. Très incommodé par les lentilles de contact blanches qu’il est forcé de porter chaque jour (même lorsque ses yeux sont cachés par des lunettes de soleil, dans la mesure où le planning des prises de vues évolue sans cesse), Birch finit par craquer. « Je suis un acteur, je n’ai pas besoin de ça ! » crie-t-il sur le plateau avant de claquer la porte avant la fin du tournage. Corman est donc forcé de faire appel à une doublure pour les plans manquants. Le cinéaste garde malgré tout un très bon souvenir de Pas de cette Terre et de l’accueil que lui réserva le public. « C’était une histoire assez peu banale et le film a tout de suite bien marché », raconte-t-il. « Y avoir ajouté un humour pince-sans-rire a porté ses fruits : il a rapporté environ un million de dollars. C’était là un tournant majeur, car le film a confirmé que mélanger science-fiction et humour décalé ne faisait qu’augmenter l’intérêt pour le genre. » (1) Présenté en double-programme avec L’Attaque des crabes géants sous le slogan « Terrorama ! Double Horror Sensation ! », Pas de cette Terre fera l’objet d’un remake en 1988, Le Vampire de l’espace, avec Traci Lords en tête d’affiche.

 

(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso


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