PARASITE LADY (2023)

Ce film quasi-muet explore la vie quotidienne d’une femme vampire sous forme d’une expérience sensuelle et sensorielle…

PARASITE LADY

 

2023 – USA

 

Réalisé par Chris Alexander

 

Avec Ali Chappell, Arrielle Edwards, Kate Gabriele, Thea Munster

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Chris Alexander a un style et un univers bien à lui. Visiblement très influencé par le cinéma d’horreur onirique européen des années 70 (celui de Jess Franco et Jean Rollin notamment), il aborde ses films sous un angle expérimental et artistique qu’on pourrait comparer aux travaux d’Hélène Cattet et Bruno Forzanni (Amer, L’Étrange couleur des larmes de ton corps) ou de Jonathan Glazer (Under the Skin). Le problème, c’est que ce réalisateur aux goûts exigeants n’a pas vraiment les moyens de ses ambitions, comme en témoignent par exemple Queen of Blood, Necropolis : Legion ou It Knows You’re Alone, produits avec des budgets minuscules. Son sens de l’esthétique se heurte ainsi souvent à des décors banals et une image vidéonumérique de faible qualité. Chris Alexander est d’ailleurs un véritable couteau-suisse. Sur Parasite Lady, il combine ainsi les postes de metteur en scène, scénariste, co-producteur, co-auteur de la photographie, du montage, des effets spéciaux de maquillage et de la musique. Sorte de relecture moderne, arty et érotique du « Carmilla » de Sheridan le Fanu, Parasite Lady ressemble à une version plus aboutie d’un film précédent d’Alexander, Space Vampire.

Sortant de son cercueil, Miranda, une vampire interprétée par Arrielle Edwards, erre chaque nuit dans une fête foraine, à la recherche d’amour et de sang humain. Sa routine est bien rodée : après sa douche, elle enfile sa tenue de cuir moulante et se lance à la chasse aux victimes féminines, les attirant dans son motel miteux. Là, elle leur déclare sa flamme avant de se repaître de leur sang. Dans sa chambre, un fauteuil vide et une statue humaine sombre évoquent l’absence et une solitude écrasante qui semble accompagner Miranda depuis des siècles. Jour après jour, notre buveuse de sang répète inlassablement ce schéma, hantée par le souvenir de Lady Death (Thea Munster), la femme vampire qui l’a jadis transformée et qui continue d’habiter ses pensées. Un soir, elle croise la route de Catherine (Ali Chappell) et, pour la première fois depuis des lustres, tombe amoureuse. Ce sentiment inédit bouleverse sa monotonie macabre et la pousse à transformer Catherine en vampire, bouleversant ainsi le cycle sans fin de sa propre existence…

« Que sommes-nous ? »

Même s’il inscrit le récit dans un paysage neigeux et triste, Chris Alexander stylise et esthétise au maximum son film. Certains très jolis plans s’alternent avec d’autres beaucoup moins graphiques, comme les déambulations de Miranda dans la fête foraine, constituées visiblement d’images volées filmées à l’arrache. C’est là que l’enveloppe budgétaire mise à disposition du cinéaste montre ses limites. Mais dans l’ensemble, Parasite Lady est une œuvre qui se distingue par sa photogénie, le maquillage de la femme-vampire n’étant pas sans évoquer ceux que portait Barbara Steele. Alexander prend son temps, laisse durer ses plans, opte pour une mise en scène sensitive, tactile et charnelle. La caméra s’abandonne sur la bouche de la vampire, se perd dans ses cheveux, se noie dans ses yeux, explore son grain de peau. Ici ce sont d’abord des ongles acérés qui fouillent la chair avec sensualité pour percer l’épiderme et en faire jaillir le sang avant que la bouche ne s’en abreuve. L’un des rares dialogues de ce film quasi-muet résume la routine de Miranda. « Que sommes-nous ? » lui demande Catherine. « Nous nous éveillons, nous marchons, nous buvons, nous continuons », répond Miranda. « Mourrons-nous ? » s’enquiert sa victime consentante. « Seulement si nous le voulons » s’entend-elle répliquer. Fascinant à défaut d’être complètement abouti, cet exercice de style n’est pas fait pour plaire à tout le monde mais présente le mérite de casser les codes et les habitudes.

 

© Gilles Penso


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