L’I.A. DU MAL (2024)

AIA est la toute nouvelle intelligence artificielle qui s’apprête à débarquer sur le marché : puissante, omniprésente… et incontrôlable !

AFRAID

 

2024 – USA

 

Réalisé par Chris Weitz

 

Avec John Cho, Katherine Waterston, Keith Carradine, Havana Rose Liu, Lukita Maxwell, Ashley Romans, David Dastmalchian, Wyatt Lindner, Isaac Bae

 

THEMA ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Chris Weitz est un homme éclectique. D’abord associé à la comédie (il a écrit Fourmiz, La Famille Foldingue, American Pie, Pour un garçon), il se frotte ensuite au fantastique et à la science-fiction (à travers les scénarios de À la croisée des mondes : la Boussole d’or, Cendrillon, Rogue One, Pinocchio, The Creator) mais aussi au drame (A Better Life) et au film de guerre (Opération finale). Le voir à la tête d’un film dénonçant les travers de l’intelligence artificielle – sujet qu’il avait justement pris habilement à revers dans The Creator pour Gareth Edwards – avait quelque chose de forcément intrigant. Incapables de traduire le jeu de mot du titre original (AfrAId, autrement dit « effrayé » mais avec le A et le I en majuscules pour « Artificial Intelligence »), les distributeurs français optent pour quelque chose de beaucoup plus trivial : L’I.A. du mal. Au moins, nous savons à quoi nous avons affaire. Le générique de début nous donne le ton et annonce la couleur. Des images générées par IA s’égrènent les unes après les autres sur une musique enjouée. Mais ces vignettes censées être mignonnes – qui décrivent des petites filles s’amusant en souriant – ont un caractère perturbant à cause des aberrations anatomiques et des déformations visuelles inhérentes à l’I.A. Tout n’est pas aussi parfait qu’on ne pourrait le croire dans le monde de l’intelligence artificielle, semble vouloir nous dire cette entrée en matière.

John Cho (que Chris Weitz avait dirigé dans American Pie et que les amateurs de science-fiction connaissent grâce au reboot de Star Trek opéré par J.J. Abrams) incarne Curtis Pike, employé d’une agence de marketing qui tente d’équilibrer ses activités professionnelles et sa vie familiale avec son épouse Meredith (Katherine Waterston, héroïne d’Alien Covenant) et ses trois enfants. Un jour, son patron (ce bon vieux Keith Carradine, en perpétuel équilibre entre le charisme et le cabotinage) lui apprend qu’ils sont en train de remporter un juteux contrat avec une compagnie qui cherche à commercialiser une nouvelle génération d’assistant vocal à côté de laquelle Alexa, Siri et Google Home font office de gentils gadgets obsolètes. Son nom : AIA. Choisi pour tester à domicile cette intelligence artificielle incroyablement puissante, Curtis accepte un peu à contrecœur. Les premières expériences sont plutôt concluantes : AIA participe à la surveillance des enfants, assiste Meredith dans ses tâches administratives, améliore peu à peu le quotidien du foyer. Mais il y a bien sûr un revers effrayant à cette médaille. Après tout, le film s’appelle L’I.A. du mal !

Plus artificiel qu’intelligent

Le sujet n’est pas nouveau. Depuis 2001 l’odyssée de l’espace, Le Cerveau d’acier, Mondwest, Génération Proteus, Alien, Blade Runner ou Terminator, nous savons bien que les intelligences artificielles ne nous veulent pas toujours du bien. Les algorithmes effectuant des progrès exponentiels de plus en plus spectaculaires, Hollywood sent qu’il faut se réapproprier ce motif et tenter de le moderniser. Même Charles Band, généreux pourvoyeur de séries B désargentées, s’était frontalement frotté au thème avec son modeste AIMEE : The Visitor (Aimee est d’ailleurs le prénom de la petite fille du prégénérique de L’I.A. du mal). Chris Weitz allait-il pouvoir apporter une pierre intéressante à l’édifice ? Les choses semblent bien engagées, notamment grâce au jeu très naturaliste de John Cho et Katherine Waterston qui nous font croire à la réalité de leur cellule familiale et sèment les graines du drame à venir. Mais le film se met très vite à partir dans tous les sens, comme s’il ne savait pas trop sous quel angle aborder son histoire. Tous les thèmes s’emmêlent alors en un étrange cocktail : les réseaux sociaux, les jeux vidéo, les messageries, Internet, les voitures autonomes, l’addiction aux écrans, le deepfake, l’intelligence artificielle, Siri, Alexa, les smartphones, les tablettes, le cyber-harcèlement. On comprend bien la volonté de pointer du doigt notre asservissement progressif aux machines, mais Weitz brasse trop large et finit par passer totalement à côté de son sujet, comme le confirme ce dernier acte dont les rebondissements absurdes ne reculent devant aucun excès. Dommage, il y avait là un potentiel intéressant.

 

© Gilles Penso


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