LE FANTÔME DE BARBE NOIRE (1968)

Un coach sportif réveille par mégarde le spectre du plus redoutable des pirates et se voit contraint de cohabiter avec lui…

BLACKBEARD’S GHOST

 

1968 – USA

 

Réalisé par Robert Stevenson

 

Avec Peter Ustinov, Dean Jones, Suzanne Pleshette, Elsa Lanchester, Joby Baker, Elliott Reid, Richard Deacon, Norman Grabowski, Kelly Thordsen, Michael Conrad

 

THEMA FANTÔMES

Depuis le succès de 20 000 lieues sous les mers en 1952, la branche « films en prises de vues réelles » du studio Disney s’était révélée très fructueuse, alternant les titres anecdotiques avec quelques longs-métrages destinés à se muer en petits classiques comme Darby O’Gill, Les Enfants du capitaine Grant ou Mary Poppins. C’est dans cet esprit qu’est imaginé Le Fantôme de Barbe Noire, adaptation d’un roman de Ben Stahl paru en 1965 dont la réalisation est confiée au vétéran Robert Stevenson. Tournée en studio sur les plateaux de l’oncle Walt, cette comédie fantastique tous publics fera grincer quelques dents du côté des apôtres du politiquement correct, quelques années plus tard, à cause de la forte consommation d’alcool du jovial pirate vedette. Le protagoniste de ce récit rocambolesque est Steve Walker (Dean Jones), un coach sportif venu dans la ville côtière imaginaire de Goldophin pour entraîner l’équipe locale d’athlétisme, connue pour ses résultats sportifs déplorables. L’auberge dans laquelle il s’installe, Blackbeard’s Inn, est gérée par un groupe de vieilles dames qui descendent toutes du fameux pirate Edward Teach et de son équipage. Ces braves « filles de flibustiers », comme elles se surnomment, ont maille à partir avec Silky Seymour (Joby Baker), un parrain de la pègre qui menace de racheter l’auberge pour la transformer en casino si elles ne remboursent pas leur hypothèque.

C’est donc dans une atmosphère étrange, baignée par les légendes du vieux pirate, la jovialité des vénérables propriétaires, la poigne du charmant professeur Jo Anne Baker (Suzanne Pleshette) et les menaces insidieuses des mafieux locaux que notre coach découvre la petite bourgade. Mais il n’est pas au bout de ses peines. Lors de sa première nuit passée à l’auberge, il casse accidentellement le chauffe-lit antique qu’il avait acquis pendant une vente aux enchères et y découvre un manuscrit caché, écrit de la main de la dernière femme de Barbe Noire, réputée pour être une sorcière. En récitant à voix haute l’une des formules qui s’y trouvent, il réveille le fantôme du pirate qui surgit des limbes sous les traits bonhommes de Peter Ustinov. Steve étant le seul à le voir et à l’entendre, les quiproquos en série et les situations invraisemblables ne vont cesser de s’enchaîner. Le Fantôme de Barbe Noire prend dès lors la forme d’une sorte de « buddy movie » obligeant deux hommes qui n’ont rien en commun à cohabiter. « Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! » se lamente ainsi Steve.

« Je n’ai pas un fantôme ordinaire mais un gros poivrot plein de rhum ! »

Le film de Stevenson exploite au mieux son double concept comique (le « poisson hors de l’eau » et l’association des contraires) tout en s’appuyant sur un casting sur-mesure. Dean Jones incarne ainsi à merveille l’anti-héros mi gaffeur mi séducteur cher aux productions Disney de l’époque, personnage qu’il esquissait déjà dans L’Espion aux pattes de velours et qu’il allait continuer à cultiver avec Un amour de Coccinelle. Échappée des Oiseaux d’Hitchcock, Suzanne Pleshette retrouve Jones à qui elle donnait la réplique dans 4 Bassets pour un Danois et campe un personnage féminin fort et déterminé, propre à affronter les nombreux coups de folie de ce récit à rebondissements. Et comment ne pas s’attacher à la performance d’Elsa Lanchester, éternelle Fiancée de Frankenstein qui nous ravit sous la défroque d’une vieille originale, diseuse de bonne aventure à ses heures ? Mais Le Fantôme de barbe Noire est surtout un véhicule parfait pour Peter Ustinov, absolument irrésistible dans ce rôle de ce spectre exubérant, jovial, paillard et sans complexe. La majorité des gags du films reposent sur la nature invisible du pirate, générant quelques séquences burlesques mémorables comme l’arrestation par le motard de police, le Vaudeville dans le restaurant, les épreuves sportives surréalistes ou la scène insensée de la roulette. Si le film a depuis sombré dans un semi-oubli, il fut à l’époque un succès fort honorable, ses recettes ayant dépassé en 1968 les 20 millions de dollars.

 

© Gilles Penso


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