UN VENDREDI DINGUE, DINGUE, DINGUE (1976)

Par un coup du sort inexplicable, une mère et sa fille adolescente inversent subitement leurs corps et doivent vivre chacune dans la peau de l’autre…

FREAKY FRIDAY

 

1976 – USA

 

Réalisé par Gary Nelson

 

Avec Jodie Foster, Barbara Harris, John Astin, Patsy Kelly, Dick Van Patten, Vicky Schrenck, Sorrell Brooke, Kaye Ballard, Sparky Marcus, Marc McClure

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

S’il n’est peut-être pas le tout premier film à avoir abordé le motif de l’inversion des corps, Freaky Friday est sans conteste celui qui l’a définitivement installé comme un sous-genre à part entière du cinéma fantastico-comique, entraînant dans son sillage un nombre incalculable de variantes (dont le spectre s’étend de Rendez-moi ma peau de Patrice Schulmann à Freaky de Charles Landon). Un Vendredi dingue, dingue, dingue (titre français hyperbolique inspiré sans doute par celui d’Un monde fou, fou, fou, fou de Stanley Kramer) s’appuie sur un roman de Mary Rodgers paru en 1972, dont elle signe elle-même l’adaptation et qui lui aurait été en partie inspiré par une lecture de jeunesse, en l’occurrence le savoureux « Turnabout » de Thorne Smith. « C’était l’histoire d’un mari et d’une femme qui changeaient de corps, et l’homme était furieux parce qu’il était soudainement une femme enceinte », raconte la romancière et scénariste. « Je me souviens avoir pensé “c’est vraiment drôle “, alors que j’étais au fond de mon lit avec un rhume. Je ne peux donc pas m’attribuer tout le mérite de cette idée d’inversion des rôles. » (1) Pour incarner la mère et la fille qui se substituent brutalement l’une à l’autre, le studio Disney choisit Barbara Harris et Jodie Foster. La première sort tout juste de deux films aux antipodes (Nashville de Robert Altman et Complot de famille d’Alfred Hitchcock). La seconde n’a que 13 ans mais a déjà joué dans une infinité de séries TV et une dizaine de longs-métrages (dont Taxi Driver et Bugsy Malone).

Vétéran du petit écran qui se distinguera trois ans plus tard en mettant en scène Le Trou noir, Gary Nelson s’empare de ce sujet prometteur et l’emballe avec beaucoup de soin. Après un générique en dessin animé au cours duquel les voix de Harris et Foster chantent à l’unisson « I’d Like to be You for a Day », nous découvrons la famille Andrews. Ellen et Annabel sont l’archétype d’une mère et d’une fille adolescente dans l’Amérique banlieusarde du milieu des années 70. L’une est une femme au foyer exigeante et apprêtée, l’autre une gamine mal dégrossie au caractère bien trempé, et leurs frictions quotidiennes font des étincelles. Le sympathique père de famille (John Astin) et le jeune frère très sage (Sparky Marcus) passent forcément à l’arrière-plan derrière leurs disputes incessantes. Un jour, alors que l’une est dans sa cuisine et l’autre dans un snack avec ses amies, Ellen et Annabel formulent simultanément le même vœu, motivé par le sentiment que la vie de l’autre est forcément plus simple :  « J’aimerais pouvoir changer de place avec elle pour un seul jour ». Et soudain, le miracle opère. Sans aucune explication logique, Ellen se retrouve propulsée dans le corps de sa fille et Annabel prend l’apparence de sa mère…

Vis ma vie

Le casting est l’un des points forts du film. Jodie Foster est parfaite dans le rôle de cette adulte coincée dans un corps d’ado, accumulant les catastrophes dans les salles de classe ou sur les terrains de sport. Mais c’est surtout Barbara Harris qui emporte le morceau. La voir soudain sauter sur un skateboard, faire d’énormes bulles avec son chewing-gum, tenter très maladroitement de s’acquitter des tâches ménagères ou jouer à « l’adulte respectable » est un spectacle joyeusement décalé. La séquence au cours de laquelle Harris se retrouve totalement débordée par un nombre incalculable de personnes qui débarquent chez elle et la bombardent de questions (la femme de ménage acariâtre, le teinturier, le menuisier, le mécanicien, le garagiste, la voisine) est à ce titre un morceau d’anthologie monté sur un tempo infernal. Tout converge vers un événement professionnel crucial pour le brave père/époux : l’inauguration d’une marina dont le clou du spectacle sera une performance en ski nautique assurée par sa fille… qui n’est désormais plus sa fille. Les cascades impensables s’enchaînent alors sur une musique funky déchaînée, d’autant qu’Annabel (qui ne sait pas conduire) se lance parallèlement dans une course poursuite à bord de la voiture familiale pour partir sauver sa mère. D’où un final très mouvementé exploitant jusqu’au bout le concept délirant du scénario. Le film n’est pas exempt de maladresses (la mise en scène est un peu statique, les effets visuels moyennement performants, certains traits d’humour datés), mais Un Vendredi dingue, dingue, dingue reste un bol d’air très rafraîchissant dont Mark Waters tirera un remake réussi en 2003, avec Lindsay Lohan et Jamie Lee Curtis.

 

(1) Extrait d’une interview menée par Marsha Norman en 2013.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article