Dans le futur, les citoyens ne courent plus après l’argent mais après le temps, nouvelle monnaie d’un monde impitoyable où chaque minute compte…
IN TIME
2011 – USA
Réalisé par Andrew Niccol
Avec Justin Timberlake, Amanda Seyfried, Cillian Murphy, Alex Pettyfer, Vincent Kartheiser, Olivia Wilde, Matt Bomer, Johnny Galecki, Collins Pennie
THEMA FUTUR
Chez Andrew Niccol, la science-fiction a toujours été un véhicule idéal pour traduire les maux de notre société et les travers de la nature humaine. Qu’il s’agisse de la lutte des classes génétique de Bienvenue à Gattaca, des dérives voyeuristes du Truman Show ou des simulacres numériques de Simone, notre homme a toujours su s’approprier les codes du genre pour tendre aux spectateurs un miroir déformant d’eux-mêmes. Cette démarche reste vivace lorsqu’il s’écarte parfois de la SF pour aborder des intrigues plus contemporaines, comme Le Terminal et Lord of War. Avec Time Out, Niccol continue de creuser le sillon de Gattaca, les deux films pouvant d’ailleurs s’envisager comme deux œuvres complémentaires. « Je considère Time Out comme une sorte d’enfant illégitime de Gattaca, parce qu’à l’époque, je pensais que le Saint Graal de l’ingénierie génétique serait de trouver le gène du vieillissement et de le désactiver », confirme-t-il. « Les implications étaient tellement énormes que je me suis dit : “Ce sera l’objet d’un autre film“. Et c’est effectivement devenu un autre film. » (1) Envisagé sous le titre de Now (« Maintenant ») puis de I’m.mortal (jeu de mot sur « Je suis mortel » et « Immortel »), le quatrième long-métrage d’Andrew Niccol s’appelle finalement In Time (« À temps »), ce que les distributeurs français « traduiront » par Time Out (« Temps mort »).
L’année 2169 que nous présente Andrew Niccol est terrifiante parce qu’elle est tangible. Dans ce monde futur où l’écart entre les classes sociales se fait plus ressentir que jamais, tous les citoyens sont génétiquement modifiés pour cesser de vieillir dès qu’ils atteignent leurs 25 ans. Dès lors, le compteur greffé sur leur avant-bras s’active et indique combien de temps il leur reste à vivre. Lorsque cette horloge alimentée par l’activité du pouls indique zéro, son porteur « tombe en panne » et meurt instantanément. Le temps est désormais la monnaie universelle, transférée directement entre les personnes ou stockée dans des capsules. Alors que les plus démunis ne cessent de courir après le temps, grappillant ici et là des heures et des minutes précieuses, les nantis accumulent oisivement leurs siècles, spéculant sur l’existence des autres et augmentant sans cesse le coût de la vie pour éviter de partager les richesses. Dans cet univers dystopique, les « garde-temps » sont les nouveaux policiers et les « minutemen » des voleurs détroussant leurs victimes en absorbant leur durée de vie…
Course contre la montre
Pour raconter cette histoire, Niccol choisit comme protagoniste un homme du peuple qui a tout perdu et décide de prendre sa revanche sur les plus riches en les infiltrant pour mieux retourner la situation. Le problème, c’est que ce personnage orchestre cette auto-justice de manière très chaotique, à travers un comportement absurde qui laisse les spectateurs perplexes et freine une empathie pourtant bien amorcée lors du prologue du film. Son besoin compulsif de dépenser toute la richesse qu’il vient miraculeusement d’acquérir en suites d’hôtel, en restaurants étoilés, en tables de jeu et en voitures de luxe, se mettant inutilement en danger de mort, semble antithétique avec l’idée d’une vengeance savamment calculée. L’autre travers de Time Out est la relative lourdeur de sa structure narrative, qui ménage de la place pour une série de séquences d’action artificielles dont le scénario se serait bien passé au profit d’une approche plus psychologique (comme dans Gattaca justement). Malgré tout, le concept reste extrêmement fort, constat lucide et sans concessions d’une humanité égoïste vouée à son autodestruction, et nous offre la vision surréaliste d’époux, de parents et d’enfants qui donnent tous l’impression d’avoir 25 ans. Si Amanda Seyfried reste en retrait dans un rôle relativement archétypal, Justin Timberlake et Cillian Murphy crèvent l’écran en incarnant deux antagonistes plus proches qu’ils ne voudraient l’admettre. Leur pleine implication (psychologique et physique) vaut largement le détour.
(1) Extrait d’une interview parue dans Collider en octobre 2011
© Gilles Penso
Partagez cet article