HUNTRESS, L’ESPRIT DE LA NUIT (1996)

Une jeune femme revient sur la terre de ses ancêtres pour assister aux funérailles de son père et se sent soudain prise de pulsions bestiales…

SPIRIT OF THE NIGHT / HUNTRESS: SPIRIT OF THE NIGHT

 

1996 – USA

 

Réalisé par Mark Manos

 

Avec Jenna Bodnar, Constantin Cotimanis, Charles Cooper, Blair Valk, Mihaela Mihut, Adrian Titieni, David Starzyk, Ion Siminie, Michael Wiserman

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA CHARLES BAND

C’est en 1986 que naît le projet Huntress. À l’époque, le film est censé être écrit et réalisé par David Schmoeller (Tourist Trap, Fou à tuer) pour Empire Pictures, la première compagnie de Charles Band. Ron Underwood (Tremors) est sollicité pour en être le producteur associé et Pino Donaggio (Carrie, Pulsions) le compositeur. Mais comme tant d’autres projets d’Empire, Huntress est abandonné. Dix ans plus tard, Band décide de ressusciter cette histoire sous la houlette de sa nouvelle compagnie, Full Moon Entertainment, dans le cadre du label Torchlight consistant à mêler le fantastique et l’érotisme. Les précédents tournages des films de cette collection eurent lieu sur le sol américain (Les Créatures de l’au-delà, Virgin Hunters, Cave Girl Island), mais celui-ci est délocalisé en Roumanie où Full Moon a ses habitudes (notamment grâce à la saga Subspecies). Ce choix géographique permet à la production de faire des économies tout en bénéficiant de décors naturels très photogéniques. Finalement, la réalisation échoit à Mark Manos, monteur habitué aux séries B de Charles Band (Mandroid, Dollman vs. Demonic Toys, Puppet Master 4, Invisible : les chroniques de Benjamin Knight, Dark Angel : The Ascent) qui vient alors de réaliser le quatrième opus de la saga Josh Kirby Time Warrior. Manos a des ambitions artistiques audacieuses pour Huntress, qu’il n’imagine pas comme un simple catalogue Playboy déguisé en film fantastique mais plutôt comme une romance gothique onirique.

Jenna Bodar, qui fit ses débuts comme figurante dénudée dans Virgin Hunters, incarne Tara Wexford, de retour dans la maison de ses ancêtres dans la petite ville de Brecon, au nord du Pays de Galles, pour les funérailles de son père. Architecte spécialisée dans le design industriel, Tara se fait des amis sur place et rencontre un séduisant photographe, Jacob (Michael Wiserman), qui s’est bizarrement établi dans une caverne, comme un troglodyte, et dont les charmes ne la laissent pas insensible. Ce retour dans une bourgade qu’elle n’a pas revue depuis l’enfance va mettre à jour plusieurs secrets familiaux, dont l’un semble lié à une bête sauvage qui terrorise les habitants en pleine nuit. Tara elle-même se sent bientôt gagnée par d’étranges pulsions incontrôlables qui éveillent en elle un caractère animal. Elle s’imagine régulièrement courir comme un prédateur sauvage au milieu de la forêt nocturne. Mais est-ce vraiment un rêve ?

Lycanthropus interruptus

Nous sommes ici bien loin des productions Torchlight habituelles, qui se contentent de déshabiller toutes leurs actrices et de les laisser se trémousser au fil d’un scénario-prétexte filiforme. Ici, Mark Manos cherche visiblement à construire une atmosphère presque héritée de la Hammer en soignant du mieux qu’il peut sa direction artistique. Il y a certes dans Huntress un érotisme omniprésent, qui s’amorce dès l’entame sous forme d’un rêve trouble, puis s’invite régulièrement dans des séquences qui n’existent que pour mettre en valeur le corps de Jenna Bodnar et celui de ses partenaires. Mais le sexe potache pour lycéens façon Les Créatures de l’au-delà est évacué au profit d’une approche plus élégante, plus sensitive et plus émotionnelle des pulsions physiques. « Mark et moi avons essayé de repousser les limites, de faire en sorte que le film soit de bon goût, mais qu’il soit très érotique en termes de dynamique entre les personnages », explique le scénariste James Sealskin. « Nous ne voulions pas nous contenter de dénuder les actrices, nous voulions mêler l’horreur et l’érotisme. » (1) Ici, bizarrement, la lycanthropie ne se transmet pas par morsure mais via une étrange lueur surnaturelle qui passe d’une poitrine à l’autre. On pourra légitimement être frustré par l’absence de transformation complète de l’héroïne en bête. Il nous faut nous contenter de quelques rugissements et de pupilles noircies. Dommage surtout que le film se termine en queue de poisson, littéralement au milieu d’une scène, sans qu’aucune des sous-intrigues ne soient résolues. La suite de Huntress, qui devait être réalisée dans la foulée, fut en effet annulée deux semaines à peine avant le début du tournage, à cause de l’interruption brutale de la collaboration entre Full Moon et son distributeur Paramount.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso


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