LONGLEGS (2024)

Une agente du FBI qui semble posséder des dons de voyance est chargée d’enquêter sur un tueur en série satanique insaisissable…

LONGLEGS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Osgood Perkins

 

Avec Maika Monroe, Nicolas Cage, Blair Underwood, Alicia Witt, Michelle Choi-Lee, Dakota Daulby, Kiernan Shipka, Jason Day, Lisa Chandler, Ava Kelders

 

THEMA TUEURS I DIABLE ET DÉMONS I JOUETS

Osgood Perkins porte un nom et une hérédité lourds de conséquences, puisqu’il est le fils d’Anthony Perkins, éternel Norman Bates aux yeux des cinéphiles traumatisés par le séminal Psychose d’Alfred Hitchcock. Le jeune « Oz » fait d’ailleurs ses débuts dès l’âge de neuf ans en incarnant Bates en culottes courtes dans Psychose 2 de Richard Franklin. Ça vous marque forcément un homme. Après avoir cumulé les petits rôles dans des films aussi disparates que Wolf, La Revanche d’une blonde ou Star Trek, il passe à la réalisation en 2015, démontrant un penchant durable pour l’horreur insidieuse et les atmosphères étranges. Longlegs est son quatrième long-métrage et sans doute le plus mémorable. Si le budget reste très raisonnable – moins de dix millions de dollars -, Perkins se paye une tête d’affiche en la personne de Nicolas Cage qui, non content d’incarner le rôle-titre, co-produit le film par l’intermédiaire de sa société de production Saturn Films. Mais si le personnage que joue Cage est central, son temps de présence à l’écran est limité, cédant la place à Maika Monroe qui, dix ans plus tôt, tenait la vedette de It follows, et qui nous surprend ici très agréablement dans une prestation à fleur de peau.

L’intrigue de Longlegs se déroule en 1995, période où les Etats-Unis baignaient encore dans une sorte de « panique satanique » liée à l’inquiétude de la population face aux méfaits – réels ou fantasmés ? – de sectes adoratrices du diable et à leur influence sur les jeunes esprits. Divisé en trois chapitres (« Ses lettres », « Tout ce qui t’appartient » et « Les anniversaires »), le film s’intéresse à l’agent du FBI Lee Harker (Monroe). Très introvertie, à la limite de l’autisme, cette jeune femme semble posséder un don d’extra-lucidité qui lui permet de faire avancer d’un seul coup certaines enquêtes. C’est dans ce but que son supérieur, William Carter (Blair Underwood), la missionne sur une affaire sordide : une série de meurtres-suicides survenus dans l’Oregon. Dans chacun des cas, un père massacre sa femme et ses enfants puis se donne la mort, laissant derrière lui une lettre codée signée « Longlegs », dont l’écriture n’appartient à aucun des membres de la famille. Qui est ce Longlegs ? Et comment peut-il avoir initié ces carnages sans avoir été physiquement présent lors des crimes ?

Que diable !

Oz Perkins est visiblement un homme sous influence. L’atmosphère de son film n’est pas sans évoquer Le Sixième sens, Le Silence des agneaux et Seven, mais aussi la série X-Files qui fut tournée dans les mêmes extérieurs naturels à Vancouver, et vers lequel le patronyme d’un des agents, Carter, semble vouloir cligner de l’œil. D’autres noms de personnages (Browning et Harker) nous évoquent Dracula. Pourtant, Longlegs crée immédiatement sa propre identité, n’usant finalement de ces références que pour mieux brouiller les cartes. Avons-nous affaire à un cas très terre-à-terre de meurtres en séries ou le diable est-il de la partie ? Notre héroïne doit-elle conserver l’approche cartésienne que préconise son patron ou laisser la place à une théorie surnaturelle ? En laissant apparaître de manière subliminale dans les scènes de crime une silhouette diabolique, image d’Épinal d’une créature cornue, Perkins nous trouble volontairement. En laissant dire à la mère de Lee Harker « ce sont nos prières qui nous protègent du mal », il continue d’évoquer Satan. Nicolas Cage reste volontairement en retrait. Dans son exercice d’équilibre favori – à mi-chemin entre le cabotinage qu’accentue son maquillage outrancier et une sorte de transe fascinante qui semble le transporter sur un autre pan de réalité -, il laisse ses brèves apparitions imprimer la pellicule de manière durable même lorsqu’il n’est plus là. Car Perkins démontre ici un indiscutable talent dans la création d’atmosphères insolites et oppressantes, ciselant au millimètre près ses choix de focales, d’angles de prise de vue, de compositions et de sound design, entremêlant le présent en Cinémascope et le passé en 4/3 au cours de flash-backs furtifs levant un voile sur l’enfance de l’héroïne. Ce remarquable exercice de style rapportera plus de 100 millions de dollars de recettes, soit plus de dix fois sa mise de départ. Un succès fort mérité.

 

© Gilles Penso


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