LES GUETTEURS (2024)

Pour son premier long-métrage, la fille de M. Night Shyamalan nous plonge dans des bois mystérieux abritant un inquiétant secret…

THE WATCHERS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Ishana Shyamalan

 

Avec Dakota Fanning, Georgina Campbell, Olwen Fouéré, Oliver Finnegan, Alistair Brammer, John Lynch, Siobhan Hewlett, Hannah Dargan, Emily Dargan

 

THEMA CONTES I DOUBLES

Ishana Shyamalan a appris les ficelles du métier en fréquentant les plateaux de tournage de son père. Réalisatrice de deuxième équipe sur Old, signataire de plusieurs épisodes de la série Servant, elle fait le grand pas avec Les Guetteurs, dont elle écrit elle-même le scénario d’après le roman de A.M. Shine. M. Night Shyamalan continue de mettre le pied à l’étrier de sa fille en produisant lui-même ce premier long-métrage, qu’il finance avec ses fonds propres avant de le revendre pour 30 millions de dollars au studio Warner. Évidemment, il n’aura pas fallu longtemps pour que la presse utilise à tout bout de champ le mot « népotisme » pour définir cette situation. Le film aurait-il eu autant de facilités à se concrétiser sans le nom de Shyamalan Sr. au générique ? Sans doute pas. Consciente de l’avantage inestimable dont elle bénéficie, la réalisatrice est bien décidée à en tirer parti du mieux qu’elle peut. « J’y pensais tout le temps pendant la fabrication du film », avoue-t-elle. « J’avais très peur d’être jugée à cause de ça. Mais finalement, ce n’est pas si mal d’avoir quelque chose à prouver par vous-même. Ça vous pousse à travailler plus dur et à en faire encore plus. » (1)

L’héroïne des Guetteurs est interprétée par Dakota Fanning, que nous avons découverte petite fille dans des films comme Le Chat chapeauté, Man on Fire ou La Guerre des Mondes. C’était aussi la voix de Coraline et la Jane de la saga Twilight. Elle incarne ici Mina, une jeune Américaine qui travaille dans une animalerie à Galway, en Irlande. Encore sous le choc de la mort de sa mère survenue seize ans plus tôt, elle a coupé les ponts avec sa sœur jumelle Lucy (on notera que leurs deux prénoms proviennent du « Dracula » de Bram Stoker) et vit seule sans attaches. Un jour, son employeur la charge de livrer un perroquet de grande valeur à un zoo près de Belfast. Mina accepte, prend la route avec le précieux volatile coloré qu’elle finit par baptiser Darwin et traverse une forêt dense. Au beau milieu des arbres et de la végétation, il nous semble pénétrer avec elle dans une sorte de Triangle des Bermudes irlandais qui cesse abruptement de faire fonctionner les téléphones, les radios et les voitures. En panne, complètement perdue, Mina erre bientôt dans les bois sans se douter des sombres secrets qui s’y cachent…

Les yeux de la forêt

Le point de départ du film est intriguant et sait capter aussitôt l’attention du spectateur, dans la droite lignée des travaux de Shyamalan père. Mais très vite, Les Guetteurs nous assène toute une série de règles expliquant le fonctionnement du phénomène mystérieux dans lequel est plongée notre héroïne. Ce procédé très littéraire et bien peu cinématographique, au cours duquel les dialogues n’en finissent pas de détailler les mécanismes du scénario, entame très vite la suspension d’incrédulité des spectateurs qui ont bien du mal à accepter le concept auquel on tente de leur faire croire. Les choses sont amenées mécaniquement, sans finesse (comme ce parallèle entre la situation des protagonistes et les jeux de télé-réalités par exemple), les pensées des personnages sont exprimées à voix haute (« je m’amuse à me déguiser de temps en temps » dit Dakota Fanning face à son rétroviseur) et le film passe le plus clair de son temps à nous raconter ses procédés narratifs par l’intermédiaire de la voix de l’enseignante incarnée par Olwen Fouéré. C’est d’autant plus dommage qu’Ishana Shyamalan fait ici preuve d’un indiscutable sens de l’image et de la mise en scène, jouant avec habileté sur les motifs de la gémellité et de la dualité tout en déclinant sous un angle inattendu le principe des « body snatchers ». Nous serions maintenant curieux de la voir s’extraire de l’influence de son père pour pouvoir affirmer sa propre personnalité.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Refinery29 » en juin 2024

 

© Gilles Penso


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