ALIEN : ROMULUS (2024)

Vingt ans après les événements racontés dans Alien, un groupe de jeunes ouvriers se heurte aux xénomorphes dans une station abandonnée…

ALIEN : ROMULUS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Fede Alvarez

 

Avec Cailee Spaeny, David Jonsson, Archie Renaux, Isabela Merced, Spike Fearn, Aileen Wu, Rosie Ede, Soma Simon, Bence Okeke, Viktor Orizu, Robert Bobroczkyi

 

THEMA EXTRA-TERRESTRE I SAGA ALIEN

Bien des suppositions s’égrenèrent sur le destin de la saga Alien, suite à l’accueil mitigé d’Alien Covenant et au rachat de la 20th Century Fox par Disney. Fallait-il continuer à raconter les événements séparant Prometheus du premier Alien, comme le prévoyait initialement Ridley Scott ? Devait-on plutôt s’intéresser à des péripéties ultérieures au volet réalisé par Jean-Pierre Jeunet ? La franchise allait-elle finalement se muer en série TV destinée à la plateforme Disney + ? La réponse est venue de Fede Alvarez, talentueux cinéaste uruguayen révélé par son remake saignant d’Evil Dead qui transforma l’essai avec Don’t Breathe et Millenium : ce qui ne me tue pas. En 2010, alors que Covenant n’est pas encore entré en production, le réalisateur propose sa propre vision de ce que pourrait être un nouvel Alien aux cadres de la Fox. Quelques années plus tard, ses idées ont fait leur chemin et le studio – désormais absorbé par la maison de Mickey – propose de lui donner carte blanche, avec la bénédiction de Ridley Scott lui-même, toujours présent mais cette fois-ci au poste de producteur. Or Alvarez est un fan de la première heure des trois premiers Alien, auxquels il souhaite rendre un vibrant hommage sans pour autant verser dans la nostalgie béate gorgée de fan service. Pour trouver le juste équilibre, il décide de situer son intrigue vingt ans après celle du premier Alien et 37 ans avant celle d’Aliens. En se positionnant chronologiquement entre la vision de Scott et celle de James Cameron, Alvarez sait qu’il joue gros. Mais notre homme n’a pas froid aux yeux. Ne s’était-il pas déjà frotté avec succès au chef d’œuvre pourtant intouchable de Sam Raimi ?

Les premières grandes décisions artistiques sont liées à la technologie, à la fois celle mise en scène dans le film et celle qui servira à sa confection. Le futur tel qu’il était vu dans les années 70-80 est forcément dépassé aujourd’hui. Mais qu’importe : les ordinateurs, les décors, les machines, les armes et les véhicules d’Alien Romulus s’inscrivent dans une parfaite cohérence avec les designs d’Alien et d’Aliens, situant de fait ce film dans une sorte de rétro-futur alternatif du plus bel aloi. Au passage, Alvarez s’inspire aussi de certains concepts visuels du jeu vidéo Alien : Isolation, unanimement apprécié par les fans de la franchise. Pour l’envers du décor, le réalisateur obéit à la même logique. Il n’est certes pas question d’évacuer les effets numériques, devenus incontournables. Mais parallèlement, les maquettes, les effets spéciaux physiques, les maquillages spéciaux et l’animatronique sont largement sollicités. Trois ténors se répartissent ainsi la charge de travail concernant la création des monstres : Alec Gillis (Tremors, Alien 3, Starship Troopers), Shane Mahant (Terminator, Aliens, Predator) et Richard Taylor (Braindead, Les Feebles, Le Seigneur des Anneaux). Le fait que ces virtuoses aient fait leurs premières armes dans les années 80 et que Gillis et Mahan soient des piliers de la saga Alien n’est évidemment pas un hasard.

Du neuf avec du vieux

Pour les protagonistes de son film, Alvarez opère un choix inattendu en se focalisant sur un groupe de jeunes adultes éloignés des héros habituels de la saga. Fils d’ouvriers dont la plupart sont morts ou ravagés par la maladie, cloitrés sur une colonie minière insalubre sur laquelle ils sont voués à passer toute leur existence, ils décident de changer de destin, quitte à se mettre hors la loi. Leur projet : partir fouiller une station spatiale abandonnée, récupérer les modules d’hibernation et se mettre en sommeil cryogénique jusqu’à une planète plus prospère et plus accueillante. Bien sûr, la station qu’ils accostent n’est pas totalement désertée… Il n’était pas simple de trouver la balance idéale entre les « passages obligatoires » et les situations inédites, cette alchimie délicate qui consiste à faire du neuf avec du vieux sans trop déstabiliser le spectateur tout en le surprenant. Par miracle, Alien Romulus y parvient. Sa mise en scène au cordeau, son casting solide et sa direction artistique impeccable se mettent au service d’un scénario qui s’efforce sans cesse de détourner les composantes connues de la saga pour les placer au cœur de séquences de suspense inédites. Ce qu’Alvarez fait avec les face-huggers et le sang acide, par exemple, relève du jamais vu. Héritière directe de la Sigourney Weaver d’Alien, de la Noomi Rapace de Prometheus et de la Katherine Waterson dAlien Covenant, Cailee Spaeny campe à son tour une survivante déployant des trésors de ressources motivées par l’énergie du désespoir pour faire face aux prédateurs… jusqu’à un final cauchemardesque suscitant un malaise proche des séquences les plus dérangeantes d’Alien la résurrection. Bref, voilà un épisode certes facultatif mais hautement recommandable, porté par une remarquable bande originale orchestrale de Benjamin Wallfish qui cligne habilement de l’œil vers les musiques d’Alien, Aliens et Prometheus.

 

© Gilles Penso


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