Dans cette suite tardive du film de Jan De Bont, une nouvelle équipe de chasseurs de tornades brave tous les dangers…
TWISTERS
2024 – USA
Réalisé par Lee Isaac Chung
Avec Daisy Edgar-Jones, Glen Powell, Anthony Ramos, Maura Tierney, Harry Hadden-Paton, Sasha Lane, Brandon Perea
THEMA CATASTROPHES
Parmi les suites que personne n’attendait, Twisters se pose bien là, même si les premiers résultats au box-office le positionnent déjà comme un des grands succès de l’année 2024. Le recul aidant, on constate que le film original de 1996 bénéficie d’une côte de popularité jusque-là insoupçonnée, comme en témoignent de nombreux commentaires sur la toile. La nostalgie commençant à faire son œuvre, Twister semble même aujourd’hui trouver une place aux côtés des classiques des années 90 tels que Jurassic Park ou Forrest Gump. Alors qu’il fut critiqué à l’époque pour son scénario schématique et ses personnages unidimensionnels, ces défauts sont peut-être aussi ses atouts : il ne faut en effet pas confondre « simplisme » et « simplicité ». Le scénario de Michael Crichton introduisait ses protagonistes et ses enjeux au développement prévisible dans les dix premières minutes, pour mieux se focaliser sur ses formidables scènes d’action. Et si Jan de Bont est tombé en disgrâce depuis, il offrait à ses acteurs un espace pour faire exister des personnages certes taillés d’un seul bloc mais profondément charismatiques et sympathiques, au milieu d’un tournage à la logistique complexe. Pourquoi ce retour sur le film original ? Parce que Lee Isaac Chung, réalisateur indépendant signant comme tant d’autres avant lui un pacte avec le diable Hollywoodien, a visiblement pris le temps lui aussi de le revoir et l’analyser pour mieux en reproduire la recette.
L’accroche sur l’affiche « Par les producteurs de Jurassic World » rappelle à quel point l’industrie du cinéma a cyniquement admis sa propension à capitaliser encore et encore sur des franchises familières. Sans surprise donc, Twisters a été écrit avec un photocopieur Xerox : même introduction établissant le trauma de l’héroïne, rivalité entre deux équipes et intensité des tornades allant crescendo jusqu’à la fameuse F5, avec en guise de fil rouge la mise au point d’appareils permettant de neutraliser les tornades par un procédé scientifique improbable mais suffisamment crédible dans le contexte du film. Mais ce qui permet de dépasser le statut de simple remake sans âme, c’est le charisme indéniable des acteurs. Daisy Edgar-Jones incarne une émule d’Helen Hunt (jusqu’à porter la même tenue pantalon kaki/débardeur blanc en guise de clin d’œil)) mais devient cette fois plus clairement le personnage principal. Anthony Ramos, transfuge de Broadway (il faisait partie du cast original du phénomène Hamilton), ne parvient toujours pas à crever l’écran en évitant néanmoins l’embarras de son emploi de figurant de luxe dans Transformers – Rise of the Beasts. Mais la « révélation » ici, c’est Glen Powell (Top Gun : Maverick et la rom-com Anyone but you), incarnant l’archétype du cowboy du Midwest. Débordant d’arrogance et se mettant lui-même en scène au travers de sa chaine YouTube, il ne rate jamais une occasion de vendre des T-shirts et autres objets à son effigie. Flirtant habilement avec le ridicule et l’auto-parodie, le playboy de l’année 2024 imprègne le film d’un humour et d’une décontraction bienvenus. On appréciera également que l’inévitable romance ne vienne jamais détourner l’attention de l’attraction principale : les tornades !
Let’s twist again !
Nanti d’un budget confortable de 200 millions de dollars, Twisters tient toutes ses promesses en termes de spectacle visuel mais aussi acoustique, le mixage son poussant tous les potards jusqu’à 11 dès la première scène. Les impeccables effets spéciaux numériques sont à nouveau l’œuvre d’ILM et il va sans dire que la technologie a bien sûr évolué, ce qui pourrait d’ailleurs constituer un petit bémol par rapport à l’original : de la même manière que Spielberg avait su compenser les limitations techniques de son requin mécanique par l’inventivité de la mise en place de chacune de ses apparitions pour Les Dents de la mer, Jan De Bont créait une ambiance et adoptait une approche spécifique pour chacune de ses cinq tornades. Tout étant virtuellement possible aujourd’hui, on pourra déplorer une certaine banalisation des SFX et, pour faire un parallèle « olé-olé » (mais justifié car la métaphore était au cœur du film de De Bont!) avec le cinéma X, une réalisation plus « gonzo », apportant moins d’importance et de temps aux préliminaires. Pour autant, Twisters ne ressemble jamais à un film de 2024 et donne même l’impression de regarder un inédit de la fin du siècle dernier, un sentiment renforcé par le fait que Lee Isac Chung ait décidé de tourner sur pellicule pour retrouver la lumière et l’aspect de la photo de l’original. Twisters n’innove peut-être pas mais ne déçoit jamais non plus. Et si la majorité des grosses productions peinent aujourd’hui à remplir les salles obscures et à laisser une empreinte dans la mémoire collective allant jusqu’à questionner l’avenir même des cinémas et du Cinéma, le succès assez inattendu de cette suite tardive nous indique peut-être qu’en cette décennie marquée par l’incertitude (une pandémie, la polarisation politique et sociale, des guerres, …rien que ça), offrir un « simple » divertissement populaire pour toute la famille est aussi un acte d’utilité économique et publique pour le 7ème Art. Alors, déposez vos cerveaux à l’entrée et à vos popcorns !
© Jérôme Muslewski
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