THE HOUSE OF THE DEVIL (2009)

Dans ce faux film des années 80 conçu par un Ti West au sommet de son art, la soirée d’une jeune babysitter bascule dans le cauchemar…

THE HOUSE OF THE DEVIL

 

209 – USA

 

Réalisé par Ti West

 

Avec Jocelin Donahue, Tom Noonan, Mary Woronov, Greta Gerwig, A. J. Bowen, Dee Wallace, Danielle Noe

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

« Dans les années 1980, plus de 70% des Américains croyaient en l’existence de cultes sataniques. 30% pensaient que les preuves étaient étouffées par le gouvernement. Cette histoire est basée sur des faits réels inexpliqués. » C’est sur ce texte d’introduction que commence House of the Devil. En réalité, aucun « fait réel » ne sous-tend le scénario écrit par Ti West, et il y a fort à parier que les pourcentages énoncés soient purement imaginaires. Le principe de ce texte d’ouverture exploitant l’argument de « l’histoire vraie » est avant tout un gimmick que le cinéaste emprunte aux films de genre des années 70/80 comme Massacre à la tronçonneuse ou Amityville, la maison du diable. A vrai dire, la seule information importante de ce texte introductif est d’ordre temporel. The House of the Devil se déroule en effet au début des années 80, ce qui permet à West d’imiter les films d’exploitation de cette époque. Tourné sur pellicule 16mm, préférant les effets de zoom aux mouvements de travelling, affichant son générique de début en caractères jaune vif sur des plans en freeze-frame tandis que retentit une musique vintage électro-rock composée par Jeff Grace, The House of the Devil ressemble tant à un long-métrage de l’aube des eighties qu’on pourrait facilement s’y tromper. La démarche du réalisateur n’est pourtant pas comparable aux effets de style nostalgiques d’un Super 8 ou d’un Stranger Things. S’il connaît bien ses classiques, Ti West ne cherche pas à les imiter servilement ou à leur rendre hommage à coup de clins d’œil appuyés, mais surtout à retrouver une atmosphère, un esprit et une coloration qui semblaient ne pouvoir appartenir qu’au passé.

Samantha Hughes (Jocelin Donahue) est à court d’argent. Maintenant qu’elle vient d’emménager dans un petit appartement, cette jeune étudiante cherche le moyen de pouvoir rapidement payer son premier loyer. Sur le campus, une petite annonce attire son attention : un certain monsieur Ullman est à la recherche urgente d’une babysitter. Au téléphone, l’homme semble affable, alors pourquoi pas ? La grande maison où Samantha doit passer la soirée étant isolée et à l’écart de la ville, sa meilleure amie Megan (Greta Gerwig, la future réalisatrice de Barbie) décide de l’accompagner en voiture en lui donnant une consigne simple : si les potentiels employeurs semblent bizarres, toutes deux décampent aussitôt et rebroussent chemin. La maison est certes un peu sinistre, bâtie non loin d’un cimetière, mais les occupants sont plutôt chaleureux et accueillants. Mais il faut évidemment se méfier des apparences, et Samantha s’apprête à vivre la nuit la plus éprouvante de son existence…

Voyage dans le temps

Bien sûr, choisir d’offrir des seconds rôles à Tom Noonan (Le Sixième sens, Robocop 2) et Dee Wallace (Hurlements, E.T., Cujo) n’est pas innocent et ravive volontairement les souvenirs cinéphiliques des spectateurs amateurs du cinéma de genre des années 80. Il n’est pas non plus impossible de deviner l’influence des synthétiseurs de John Carpenter ou des violons de Vendredi 13 et Evil Dead dans la bande originale. Mais encore une fois, Ti West ne cherche pas le post-modernisme. Le voyage dans le temps auquel il nous convie est avant tout sensoriel. Dans l’époque où se situe le film, dénuée de smartphones et d’Internet, la perception du temps n’est pas la même, les minutes s’allongent, il faut trouver le moyen de tromper son ennui, l’esprit est aux aguets car l’attention n’est pas détournée par un écran déversant un flot ininterrompu d’informations. Voilà pourquoi West prend le pari de faire durer très longtemps l’attente de son héroïne dans cette maison de moins en moins rassurante. Le film ne cède pas à la tentation de l’effet choc toutes les cinq minutes. Sans se précipiter, en étirant plus que de raison des situations à priori banales, The House of the Devil rend bientôt angoissante chaque touche d’étrangeté. Le moindre zoom avant sur un lavabo ou sur une poignée de porte, le moindre grincement, la moindre variation lumineuse devient support d’un effroi insidieux. Et lorsque la violence éclate soudain et que la retenue n’est plus de mise, son impact en est décuplé, jusqu’à un climax ébouriffant et un épilogue d’une noirceur vertigineuse.

 

© Gilles Penso


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