Au milieu des années 80, l’héroïne de X tente de percer à Hollywood tandis qu’un tueur en série satanique sème la terreur dans la ville…
En réalisant coup sur coup X et Pearl, Ti West n’imaginait pas l’impact de ce diptyque sur le public. Farouchement attaché à son statut de cinéaste indépendant, cet amoureux du cinéma de genre s’est toujours distingué par une approche de l’horreur à la fois singulière et respectueuse de ses aînés. Face à l’enthousiasme soulevé par ses deux petits derniers, il décide de leur donner une suite. « Quand nous avons réalisé les deux premiers, personne ne savait ce qu’on était en train de faire », explique le réalisateur. « Pour MaXXXine, j’étais conscient des attentes du public, mais j’ai essayé de ne pas m’en préoccuper pour éviter de me sentir dépassé. Cela dit, les trois films sont exactement comme je les ai imaginés et tournés » (1). Si le fil conducteur est d’abord narratif (MaXXXine prolonge directement les événements racontés dans X, qui lui-même se situe cinq décennies après Pearl), le véritable point commun entre les trois films est leur description sans fard d’une quête désespérée de célébrité, quel qu’en soit le prix. « Ce qui lie mes personnages les uns aux autres, c’est une même ambition : celle de faire des films ou d’avoir la vie qu’on voit dans les films » confirme West (2). D’où la citation de Bette Davis qui s’affiche plein écran en tout début de métrage : « Dans ce métier, tant qu’on n’est pas considéré comme un monstre, on n’est pas une star. »
Le « monstre » en question, c’est Maxine Minx (Mia Goth), seule survivante du massacre qui eut lieu en 1979 pendant le tournage d’un film X dans la campagne texane. Six ans plus tard, l’actrice souhaite sortir du ghetto du cinéma porno pour percer à Hollywood. Choisir d’inscrire ce troisième opus en 1985 n’est pas innocent. Si l’on sait Ti West très amateur de la décennie qui l’a vue naître (et à laquelle il rendait déjà un vibrant hommage dans House of the Devil), le mitan des eighties est une période charnière qui voit se développer de manière massive le format VHS (et donc une nouvelle manière de consommer le cinéma, désormais à domicile). 85 fut aussi une année marquée par de grandes manifestations de ligues catholiques indignées contre les représentations du sexe et de la violence à l’écran et par les exactions à Los Angeles d’un tueur en série surnommé « night stalker » (« le traqueur de la nuit ») par les médias. C’est au beau milieu de ce contexte bien réel (images d’archive à l’appui) que se développe le scénario de MaXXXine. Ti West brouille alors volontairement les frontières entre la réalité et la fiction. Car la comédienne en quête de célébrité, qui s’apprête à jouer dans la séquelle d’un film d’horreur à succès, se retrouve bientôt elle-même cernée par les meurtres sanglants du « night stalker »…
Wild West
En localisant l’action de ce troisième film dans la Mecque du cinéma, Ti West élargit son scope et revoit ses ambitions à la hausse. Plus lucide sur ce qu’il fait et sur ce que les spectateurs attendent de ce chapitre, il multiplie les références cinéphiliques frontales. Au cours d’une discussion avec un ami tenancier de vidéoclub, Maxine évoque ainsi les acteurs célèbres qui ont fait leurs débuts dans un film d’horreur. Ironiquement, Kevin Bacon, qui incarne ici un détective privé délicieusement détestable, en fait partie, puisqu’il démarra sa carrière avec Vendredi 13. Son look dans MaXXXine se réfère par ailleurs ouvertement à celui de Jack Nicholson dans Chinatown. Le film évoque aussi Marilyn Chambers (l’héroïne de Rage de David Cronenberg), St Elmo’s Fire, Psychose (via une surprenante séquence de mise en abyme), et rend un hommage direct à Mario Bava à travers ce tueur tout de cuir vêtu qui semble échappé de Six femmes pour l’assassin. Cet enchevêtrement de clins d’œil, couplé à une augmentation substantielle du budget mis à disposition de West, fait de MaXXXine un film plus complexe, plus sophistiqué, mais aussi – c’est le revers de la médaille – moins « pur » dans sa narration et dans sa mise en forme que X et Pearl, comme s’il péchait par excès. Bref, MaXXXine en fait sans doute un peu trop. Mais comment ne pas se laisser griser par cette générosité et par cette passion sincère qui continue d’animer le cinéaste ? Comme toujours, Mia Goth crève l’écran, détournant l’image de la « final girl » prude, sage et vertueuse popularisée par Jamie Lee Curtis dans Halloween pour en camper une variante beaucoup plus « trash ». Son personnage semble décidément vouloir donner raison à Bette Davis : être une star, c’est aussi être un monstre !
(1) et (2) Extraits d’un entretien paru dans « Trois Couleurs » en juillet 2024
© Gilles Penso
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