DEADPOOL & WOLVERINE (2024)

Le buddy movie le plus improbable du Marvel Cinematic Universe se concrétise face à la caméra du réalisateur de Free Guy et La Nuit au musée…

DEADPOOL & WOLVERINE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Shawn Levy

 

Avec Ryan Reynolds, Hugh Jackman, Emma Corrin, Morena Baccarin, Rob Delaney, Leslie Uggams, Aaron Stanford, Matthew Macfadyen

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I DEADPOOL I X-MEN

Dès la sortie de Deapool 2 et son succès international, un troisième épisode est logiquement envisagé par Ryan Reynolds et la 20th Century Fox. Tant que le public répond présent, il faut continuer de l’alimenter. Mais le studio est finalement racheté par Disney, bouleversant quelque peu ce projet de suite. Le super-héros irrévérencieux et ses aventures interdites aux mineurs – sauf s’ils sont accompagnés d’un adulte – ont-ils leur place dans le Marvel Cinematic Universe ? Sentant probablement l’odeur des billets verts, Kevin Feige donne son feu vert et permet officiellement au projet de décoller. Après Tim Miller et David Leitch, c’est Shawn Levy qui hérite de la réalisation, fort de l’expérience heureuse qu’il eut avec Ryan Reynolds sur Free Guy et Adam à travers le temps. Mais le cinéaste, son acteur principal et la batterie de scénaristes embauchés pour l’occasion peinent à trouver une idée suffisamment convaincante pour relancer les exploits du « mercenaire à grande bouche ». La solution vient d’Hugh Jackman, qui accepte de participer au film en reprenant le rôle de Wolverine. L’acteur australien avait pourtant annoncé qu’il raccrochait définitivement les griffes après Logan. Il faut croire que la perspective de passer du bon temps avec Ryan Reynolds et avec Shawn Levy (qui le dirigea dans Real Steel) le fit changer d’avis. Place donc à Deadpool & Wolverine, un « buddy movie » aussi improbable que ce que laisse entendre son titre surréaliste.

Pour inscrire officiellement Deadpool & Wolverine dans le MCU, plusieurs éléments empruntés à la franchise chapeautée par Feige s’invitent dans le scénario, et ce dès le prologue qui met en scène les agents du TVA (le Tribunal des Variations Anachroniques découvert dans la série Loki). Un étrange exercice d’équilibre s’opère alors, le film de Levy étant le premier à directement jeter les ponts entre l’univers Marvel de la Fox et celui de Disney (même si Sam Raimi lançait déjà les hostilités dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness). Comme les deux Deadpool précédents, celui-ci est injurieux, graveleux, gore et autoparodique, ce qui ne surprend pas outre-mesure si ce n’est que cette fois-ci le personnage devient officiellement une propriété intellectuelle de Disney. Or les dialogues ne cessent de brocarder la compagnie de Mickey, ses délires hégémoniques, ses achats compulsifs de toutes les franchises disponibles et même son phagocytage de la 20th Century Fox. La démarche pourrait sembler incroyablement courageuse, voire autodestructrice. Il n’en est rien bien sûr, et l’on sait que la moindre de ces salves satiriques a été validée par un comité de lecture et procède donc d’une posture savamment calculée. S’il y a un vent de fraîcheur inattendu à glaner dans ce troisième épisode, il ne provient donc pas tant de son caractère pseudo-subversif (les deux premiers Deadpool essayaient déjà de jouer les faux garnements insolents) mais de l’hommage visiblement sincère qu’il tient à rendre à tout un pan de l’univers cinématographique de Marvel antérieur à la création du Marvel Studio.

Deadpool aux œufs d’or

La convocation des multiverses, des personnages alternatifs et d’une multitude de guest-stars se plie certes aux contraintes du « fan service » façon Spider-Man No Way Home et entretient l’adhésion d’un public dont la cause est d’emblée acquise – Deadpool est devenu une poule aux œufs d’or inespérée pour les tiroir-caisse des salles de cinéma. Mais derrière ce feu d’artifice de clins d’œil conçus pour caresser les aficionados dans le sens du poil, il y a visiblement autre chose, comme une envie de saluer toutes les tentatives précédentes de porter les idées de Stan Lee et de ses équipes à l’écran, souvent oubliées par les générations biberonnées au MCU. Après tout, Logan lui-même n’eut-il pas droit à plusieurs vies contradictoires face aux caméras respectives de Bryan Singer, Brett Ratner, Gavin Hoods, Matthew Vaughn ou James Mangold ? Ryan Reynolds ne campait-il pas déjà dans X-Men Origins : Wolverine un Wade Wilson bien différent de celui qui le rendit populaire ? Et s’il y avait plus de déférence et de respect envers les aînés qu’on ne voudrait bien le croire dans ce Deadpool & Wolverine ? Ceux qui n’y verront que de l’action virtuose ultra-violente et parodique, des dialogues bêtes et méchants et des blagues référentielles en auront largement pour leur argent. Les autres y dénicheront peut-être un supplément d’âme inattendu, à l’image de ce montage d’extraits candides et étonnamment émouvants diffusés pendant le générique de fin.

 

© Gilles Penso


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