Le réalisateur de Cannibal Holocaust nous emmène faire du camping sauvage dans une forêt où règne un assassin sanguinaire…
CAMPING DEL TERRORE
1986 – ITALIE
Réalisé par Ruggero Deodato
Avec Bruce Penhall, David Hess, Mimsy Farmer, Luisa Maneri, Nicola Farron, Andrew J. Lederer, Stefano Madia, John Steiner, Charles Napier
THEMA TUEURS
Toujours précédé de la réputation mi-flatteuse mi-sulfureuse de l’homme qui osa réaliser Cannibal Holocaust, Ruggero Deodato s’attaque à ce slasher après s’être essayé au fait divers sordide et sanglant (La Maison au fond du parc), au film d’aventures post-apocalyptique (Les Prédateurs du futur) et au survival brutal et exotique (Amazonia la jungle blanche). Body Count s’appuie sur une légende selon laquelle un camping est bâti sur un ancien cimetière indien dans lequel un vieux chamane, transformé en monstre par une malédiction, hante encore les lieux. Au début du film, une jeune fille est prise en chasse au milieu des bois, en pleine nuit, par une créature humanoïde velue armée d’un couteau. La malheureuse trouve refuge dans une voiture de police bizarrement abandonnée. Mais une lame de couteau traverse le fauteuil, lui arrachant des hurlements. L’arme transperce la main de la jeune fille, qui prend la fuite et se cache sous une souche d’arbre. Son petit ami, alerté, vient à sa rescousse, mais le couteau du monstre se plante dans sa gorge et le stoppe net dans son élan. « C’était une belle entrée en matière, avec une musique efficace de Claudio Simonetti », nous dit Ruggero Deodato. « Mais pour tout vous avouer, Body Count est sans doute mon film le moins personnel. J’ai eu la chance de pouvoir tout de même diriger de bons comédiens comme David Hess, Mimsy Farmer ou Charles Napier, lequel était connu du grand public pour avoir joué dans Rambo » (1).
Quinze ans après les événements décrits dans ce prologue, cinq jeunes idiots réunis dans un van s’en vont faire du camping sauvage et s’apprêtent à jouer une sorte de remake poussif de Vendredi 13. L’un d’eux fait de l’escalade, voit surgir le chamane tout fripé et chute, pris de panique. Une autre découvre un ancien bâtiment glauque et décrépi, se taillade le visage avec un miroir qui se brise puis est poignardée par un grand couteau (dont la lame reflète son visage hurlant, inspirant le visuel du poster du film). Les morts violentes s’enchaînent donc dans tandis qu’une vague rivalité amoureuse s’installe entre deux seconds couteaux patibulaires, le tenancier du camping (David Hess) et le shérif du coin (Charles Napier) qui se disputent tous deux les faveurs de Julia (Mimsy Farmer).
Camping-car holocaust
Quelques seins nus et une poignée de jump scares grotesques (l’un des jeunes fait peur à une copine avec un masque de loup-garou) tentent d’égayer ce métrage désespérément routinier qui joue aussi la carte du gore chaque fois que possible : corps transpercés, doigts tranchés, hache qui se plante dans un visage, le tout confié aux bons soins du maquilleur Mario di Salvio (Du sang pour Dracula, Flash Gordon). Au milieu de ce fatras de banalités surnagent de trop rares idées visuelles intéressantes. Comme cette scène où la jambe d’une jeune femme bouge langoureusement sous un drap, la nuit, dans le camping-car. Lorsque le drap est soulevé par l’un des personnages, nous découvrons que la jambe est tranchée ! Sans doute s’agit-il d’un clin d’œil à l’un des « gags » des Dents de la mer. On note aussi un cauchemar bizarre avec un serpent et une tête dans un bocal. Bref, Ruggero Deodato part un peu dans tous les sens en soignant tout de même la photogénie de ses décors extérieurs. « Ce qui est drôle, c’est que tout le monde était persuadé que nous avions tourné au Canada, alors qu’en réalité nous sommes restés dans les montagnes près de Rome », se souvient-il (2). Décevante, la révélation finale est à l’image du film entier : anecdotique et conventionnelle. Deodato enchaînera l’année suivante avec Angoisse sur la ligne.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016
© Gilles Penso
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