MOTHER ! (2017)

Le réalisateur de The Fountain et Requiem for a Dream nous plonge dans un huis-clos cauchemardesque aux confins de l’horreur…

MOTHER !

 

2017 – USA

 

Réalisé par Darren Aronofsky

 

Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer, Brian Gleeson, Domhnall Gleeson, Jovan Adepo, Amanda Chiu, Patricia Summersett, Eric Davis

 

THEMA DIEU, LA BIBLE ET LES ANGES

C’est face au constat d’une planète agonisante qui lui semble courir à sa propre perte que Darren Aronofsky accouche un beau jour de l’idée de Mother ! Pour justifier sa démarche, il se fend d’une sorte de « note d’intention » qu’il met à disposition des journalistes quelques jours avant l’avant-première du film. « C’est une époque folle pour être en vie », écrit-il. « Alors que la population mondiale approche les 8 milliards d’habitants, nous sommes confrontés à des problèmes d’une gravité insoupçonnée. De cette soupe primordiale d’angoisse et d’impuissance, je me suis réveillé un matin et ce film a jailli de moi comme un rêve fiévreux. Tous mes films précédents sont restés en gestation pendant de nombreuses années, mais j’ai écrit la première version de Mother ! en cinq jours » (1). Le contexte dans lequel s’élabore le film permet de mieux comprendre le climat anxiogène étouffant qui le baigne de la première à la dernière minute. Jennifer Lawrence elle-même, actrice principale que la caméra ne lâche pas d’une semelle pendant les deux heures du métrage, aura besoin d’une année sabbatique pour se remettre de ce tournage éprouvant. Mother ! ne laisse donc personne de marbre, ni ses spectateurs, ni ceux qui y ont participé.

D’emblée, Aronofsky convoque une imagerie fantastique : un visage qui crie au milieu des flammes, un décor décrépit qui se rénove comme par magie, une atmosphère de maison hantée et de film de fantômes. Jennifer Lawrence campe une jeune femme obsédée par l’ordre et la propreté. Particulièrement fière de la maison qu’elle a entièrement retapée, elle s’y love comme dans un cocon avec son époux (Javier Bardem), un écrivain à succès en quête de nouvelles sources d’inspiration. Leur couple mène une vie tranquille et passionnée. Pourtant, un malaise imperceptible s’immisce partout, un sentiment bizarre de flottement inconfortable au-dessus de la réalité. Prise parfois de crises incontrôlables, notre héroïne imagine des cœurs qui battent derrière les murs, entend les sols grincer et les escaliers craquer, voit le parquet se couvrir d’ombres rampantes. Nous ne sommes pas loin de l’aliénation de Catherine Deneuve dans Répulsion. Lorsque des invités imprévus débarquent dans la maison, la situation bascule progressivement, le chaos finit par prendre des proportions délirantes et dantesques, tandis que les dernières bribes de réalisme s’étiolent. Aronofsky nous semble en roue libre, comme s’il improvisait ce cauchemar éveillé au fur et à mesure, comme si son scénario avançait de manière erratique et absurde. À moins que…

Le point de non-retour

À moins que toute cette histoire n’ait un sens caché emprunté directement à la Bible, dans le prolongement du Noé que le cinéaste mettait en scène trois ans plus tôt. Avec cette nouvelle grille de lecture, tout s’éclaire et tous les éléments du puzzle trouvent miraculeusement leur place. Rien ne manque alors au tableau : Adam et Ève sont là, Caïn et Abel aussi, tout comme le péché originel qui précipite la chute hors du jardin d’Eden, le déluge, la naissance du Messie, l’Apocalypse, et bien sûr Dieu lui-même et la Mère nature, celle qui donne son nom au titre du film. Le titre premier du film était d’ailleurs Day 6, allusion au sixième jour de la création du monde selon l’Ancien Testament. En se laissant volontairement influencer par Roman Polanski (celui de Répulsion mais aussi du Locataire et de Rosemary’s Baby) et par Luis Buñuel (celui de L’Ange exterminateur), Arnofsky nous décrit ainsi une vision très pessimiste du monde, gangréné par une humanité qui le détruit à petit feu jusqu’au point de non-retour.

 

(1) Extrait d’une déclaration de Daren Aronofsky publiée en août 2017.

 

© Gilles Penso


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