Que s’est-il passé avant La Malédiction ? D’où le maléfique Damien Thorne vient-il ?Voici les réponses…
THE FIRST OMEN
2024 – USA
Réalisé par Arkasha Stevenson
Avec Nell Tiger Free, Ralph Ineson, Sonia Braga, Tawfeek Barhom, Maria Caballero, Charles Dance, Bill Nighy, Nicole Sorace, Ishtar Currie-Wilson
THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA LA MALÉDICTION
Rien ne nous disposait particulièrement à porter le moindre intérêt à cette Malédiction : l’origine, tentative de résurrection tardive d’une franchise qui s’achevait en 2006 sur un remake sans saveur, et dont la démarche ne semblait pas très éloignée de L’Exorciste – Dévotion qui, lui aussi, jouait la carte de la prequel avec un résultat globalement médiocre. Autre motif de perplexité : le choix de la réalisatrice. Arkasha Stevenson n’ayant jusqu’alors réalisé qu’une poignée de courts-métrages et quelques épisodes de séries TV, était-elle la personne appropriée pour redonner un coup de fouet à cette saga en stand-by depuis près de deux décennies ? Rien n’était moins sûr. C’est donc avec beaucoup de circonspection que nous appréhendons ce film co-écrit par la réalisatrice, Tim Smith et Keith Thomas d’après une histoire de Ben Jacoby. Pourtant, le prologue parvient à capter notre attention en distillant une efficace atmosphère d’angoisse sourde. Cette entame nous laisse quelques espoirs. Peut-être parce qu’elle cherche à retrouver le climat anxiogène que Richard Donner créait dans la première Malédiction. Peut-être aussi parce que les effets de style du William Friedkin de L’Exorciste nous viennent à l’esprit. La musique atonale et volontiers stressante composée par Mark Korven (The Witch) n’est pas totalement étrangère à cette sensation.
Dans cette scène introductive, située dans l’Italie du début des années 1970, le père Brennan (Ralph Ineson) écoute l’étrange confession du père Harris (Charles Dance) à propos d’une conspiration occulte et recueille de ses mains la photo d’un bébé sur laquelle est inscrit un mot énigmatique : « Scianna ». Cet entretien s’achève d’une manière abrupte et sanglante, avant que nous soit présentée notre protagoniste : Margaret Daino (Nell Tiger Free), une novice américaine qui débarque dans l’orphelinat Vizzardeli à Rome. Là, dans une atmosphère austère qui évoque plus les années 40-50 que ces seventies naissantes où se libèrent les mœurs, la jeune religieuse se lie avec Carlita (Nicole Sorace), une orpheline solitaire et maltraitée en proie à de très inquiétantes visions. Selon le père Brennan, cette jeune fille est au cœur d’une sinistre machination visant à provoquer la naissance de l’antéchrist. « Comment contrôler un peuple qui ne croit plus aux tourments de l’enfer ? », dit-il à notre héroïne. « En créant une nouvelle peur. »
Une nouvelle peur
Il faut bien reconnaître qu’Arkasha Stevenson nous surprend agréablement par ses partis pris de mise en scène qui – à quelques exceptions près – refusent les « jump scares » faciles pour chercher des sources de peur plus insidieuses et moins frontales. Sa démarche s’appuie sur la photographie somptueuse d’Aaron Morton et sur le jeu convainquant de Nell Tiger Free dont la beauté discrète, masquée la plupart du temps sous un voile sévère, évoque une certaine idée de l’innocence. L’arrivée de l’ingénue américaine dans une institution européenne rigide qui semble cacher des secrets inavouables n’est d’ailleurs pas sans nous évoquer Suspiria. Les fulgurances horrifiques n’en sont que plus saillantes, notamment deux séquences d’accouchement monstrueuses convoquant le « body horror » cher à David Cronenberg, quelques visions choc servies par les maquillages spéciaux d’Adrien Morot et un grand moment d’hystérie intense qu’on imagine très influencé par l’un des passages les plus célèbres de Possession. Ramenons tout de même les choses à leurs justes proportions. Faire écho aux travaux de Richard Donner, William Friedkin, Dario Argento, David Cronenberg ou Andrzej Zulawski ne signifie pas que La Malédiction : l’origine leur arrive à la cheville. Disons que cet opus dont nous n’attendions rien est une heureuse surprise qui aurait tout gagné à exister de manière autonome sans sa prestigieuse ascendance. D’ailleurs, son plus gros défaut est de tenter de se raccorder maladroitement à La Malédiction premier du nom, via un épilogue un peu vain conçu comme une scène post-générique de chez Marvel.
© Gilles Penso
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