LA FILLE DE JACK L’ÉVENTREUR (1971)

Et si la progéniture du célèbre assassin de Whitechapel était animée par les mêmes pulsions meurtrières que lui ?

HANDS OF THE RIPPER

 

1971 – GB

 

Réalisé par Peter Sasdy

 

Avec Eric Porter, Angharad Rees, Jane Merrow, Keith Bell, Derek Godfrey, Dora Bryan, Marjorie Rhodes, Lynda Baron

 

THEMA TUEURS

Après avoir réalisé Une Messe pour Dracula et Comtesse Dracula, Peter Sasdy retrouve la Hammer pour revisiter sous un jour inattendu la figure du plus célèbre des tueurs en série du monde. La même année, le sinistre Jack fera aussi une apparition dans une autre production Hammer, le très impertinent Docteur Jekyll et Sister Hyde. « Les personnages et les incidents décrits ainsi que les noms utilisés ici sont fictifs et toute ressemblance avec les noms, le caractère ou l’histoire d’une personne est entièrement accidentelle et non intentionnelle. » C’est sur ce texte que s’ouvre La Fille de Jack l’éventreur. Nous suivons alors les pas d’une prostituée qui est soudain assassinée dans une ruelle sombre de Whitechapel. Après le meurtre, le criminel encapuchonné s’éloigne d’un pas alerte, rentre chez lui, se dispute avec sa femme et finit par la tuer à son tour, sous les yeux de sa fille Anna, avant de finir abattu par la police. Quelques années plus tard, la jeune fille est recueillie par une tenancière d’auberge qui la fait participer à de fausses séances de spiritisme pour collecter quelque menue monnaie. C’est alors qu’intervient un psychiatre, bien décidé à chasser ses pulsions morbides.

Tourné en grande partie aux studios Pinewood, dans une grande reconstitution de la rue Baker Street utilisée un an plus tôt pour La Vie privée de Sherlock Holmes, La Fille de Jack l’éventreur prend le parti audacieux de mêler l’épouvante à la psychanalyse. En ce sens, cette relecture inhabituelle des forfaits du tueur de Whitechapel n’est pas sans évoquer Pas de printemps pour Marnie. Car à l’instar de l’héroïne d’Alfred Hitchcock, la fille de l’assassin (incarnée par Angharad Rees) cède à la violence inconsciente lorsqu’elle est stimulée par des chocs visuels et sonores lui rappelant le traumatisme qu’elle vécut dans sa jeunesse. Lorsque le professeur Pritchard, interprété avec un charisme impérial et un sérieux imperturbable par Eric Porter, décide de prendre la malheureuse sous son aile, il se heurte vite à l’incompréhension de son entourage. « Bon sang, vous avez un être possédé sous votre toit, aussi sauvage que n’importe quelle bête féroce », s’entend-il dire.

« Vous avez une possédée sous votre toit »

Mais malgré ses apparences affables et altruistes, Pritchard ne s’occupe pas uniquement d’Anna dans un but philanthropique. Ses véritables intentions sont d’appliquer les théories d’un certain Sigmund Freud, et de vérifier si la jeune fille se laissera inconsciemment dominer par son Ça. La réponse ne tarde pas à venir lorsqu’Anna se met à perpétrer de sanglants assassinats, comme le fit jadis son géniteur. Comme dans les meilleurs longs-métrages estampillés Hammer, le monstre et ses exactions sont en réalité les révélateurs d’une société victorienne hypocrite et corrompue. Finalement, Pritchard n’est pas si éloigné du docteur Frankenstein incarné par Peter Cushing, prêt à tout pour confirmer ses théories scientifiques, quitte à multiplier les dommages collatéraux. Les séquences de meurtres, pour stylisées qu’elles soient, s’avèrent assez sanglantes et évoquent les excès graphiques du giallo italien. La censure américaine exigera d’ailleurs certaines coupes pour alléger l’impact de ces scènes. Pour son climax sombre et théâtral, le film s’achève dans la nef vertigineuse d’une église reconstruite en studio, la cathédrale St Paul initialement prévue ayant refusé d’accueillir l’équipe de tournage. Le film sera exploité en double programme avec Les Sévices de Dracula.

 

© Gilles Penso


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