Le premier long-métrage de Francis Ford Coppola est un récit d’horreur influencé par Alfred Hitchcock qui préfigure les slashers des années 70…
DEMENTIA 13
1963 – USA
Réalisé par Francis Ford Coppola
Avec William Campbell, Luana Anders, Bart Patton, Mary Mitchel, Patrick Magee, Eithne Dunne, Peter Read, Karl Schanzer
THEMA TUEURS
Avant de devenir le réalisateur culte du Parrain et d’Apocalypse Now, Francis Ford Coppola était l’un des nombreux « hommes à tout faire » de Roger Corman, se formant à de nombreux postes auprès du prolifique producteur. Il fut ainsi assistant réalisateur de L’Enterré vivant, réalisateur de deuxième équipe de L’Halluciné ou encore superviseur des dialogues de La Malédiction d’Arkham. Alors qu’il prêtait main-forte à Corman sur le tournage de The Young Racers en Irlande, son mentor lui proposa une offre difficile à refuser : profiter de la disponibilité du décor, de l’équipe technique et d’une partie des comédiens (William Campbell, Luana Landers et Patrick Magee) pour emballer en quelques semaines un autre film. C’est ainsi qu’est né Dementia 13 (initialement titré Dementia), premier long-métrage officiel de Francis Coppola (qui s’était déjà essayé à la mise en scène quelques mois plus tôt en dirigeant des séquences de L’Halluciné avec Jack Nicholson et Boris Karloff).
Lorsque le film commence, Louise Haloran et son mari John effectuent une traversée nocturne en barque qui n’a rien de romantique (« Si je meurs, tu n’obtiendras aucun héritage » lui susurre-t-il amèrement). Or l’époux succombe subitement à une attaque cardiaque. Peu encline à laisser filer le pactole que devait lui léguer sa belle-mère du vivant de John, Louise laisse croire à son entourage que le défunt est en réalité parti pour un voyage d’affaire le retenant à New York. Lorsqu’elle se rend dans le château des Haloran, en Irlande, elle découvre une famille marquée par la mort accidentelle de la sœur cadette de John, sept ans plus tôt, dans un étang jouxtant la vaste demeure. L’influence de Psychose est prégnante d’emblée dans Dementia 13, ne serait-ce que par la structure narrative de son premier acte. Car au bout d’un quart d’heure, la blonde héroïne appâtée par le gain est sauvagement assassinée alors qu’elle se dévêtait pour aller sous l’eau (ici, un plongeon dans l’étang remplace donc la douche dans le motel). Le personnage de la mère autoritaire et austère est également très hitchcockien, tout comme cette atmosphère d’hypocrisie latente qui règne dans la demeure familiale, et qui n’est pas sans évoquer Rebecca.
Décapitation en gros plan !
Parmi les autres influences de ce premier essai plutôt prometteur, on note Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (à travers ces machinations macabres destinées à faire basculer les esprits fragiles dans la folie) ainsi – et c’est tout naturel – que les œuvres d’épouvante que concoctait à l’époque Roger Corman. Coppola mixe ainsi plusieurs imageries empruntées au genre, notamment celles liées à l’enfance (les poupées anciennes, les vieilles poussettes) et celles qui se rattachent au thème récurrent de la maison hantée. Mais Dementia 13 possède sa propre personnalité et fit même office de référence, ces meurtres à la hache dans les bois nocturnes préfigurant à leur manière les slashers des années 70 et 80. Coppola se paie même le luxe d’une décapitation en gros plan ! Après être devenu un cinéaste « respectable », il ne touchera plus au fantastique que sporadiquement et de manière plus « noble », comme en témoignent son élégant Dracula, le Frankenstein qu’il produisit dans la foulée ou le plus intimiste Twixt.
© Gilles Penso
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