Le miracle du Projet Blair Witch ne pouvait se produire qu’une fois. C’est du moins ce que tend à prouver cette suite pétrie de maladresses…
BOOK OF SHADOWS 2 : BLAIR WITCH 2
2000 – USA
Réalisé par Joe Berlinger
Avec Kim Director, Jeffrey Donovan, Erica Leerhsen, Tristine Skyler, Stephen Barker Turner, Kurt Loder, Chuck Scarborough
THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA BLAIR WITCH
Blair Witch 2 est né d’une série de compromis qui permettent de mieux comprendre sa nature décousue et son style incertain. L’idée de départ est assez simple : Artisan Entertainment, distributeur et détenteur des droits du Projet Blair Witch, veut profiter très rapidement du succès inespéré du film pour en initier une suite. Mais Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, les deux réalisateurs à l’origine de ce petit miracle, préfèrent attendre que l’engouement retombe pour concocter un second épisode auquel ils auront le temps de mûrement réfléchir. L’équipe d’Artisan décide alors de se passer d’eux et de lancer cette séquelle dans les plus brefs délais, coûte que coûte. S’ils sont crédités comme producteurs exécutifs de Blair Witch 2, Myrick et Sánchez ne jouent en réalité aucun rôle dans son élaboration (et s’avoueront d’ailleurs très déçus par le résultat). C’est Joe Berlinger qui hérite de la réalisation. Désireux de se lancer dans un premier long-métrage, il courtise déjà depuis quelques temps les producteurs d’Artisan Entertainment avec ses propres scénarios originaux. Mais pour l’heure, seule la suite de Blair Witch compte. Berlinger accepte le défi, écrit cette séquelle en deux mois et se lance dans un tournage marathon pour une sortie prévue fin octobre 2000.
Étant donné que Le Projet Blair Witch fixait assez rapidement les limites de son concept et de son script anémique, il faut bien reconnaître qu’on voyait mal l’intérêt d’un deuxième épisode, au-delà de son potentiel financier. Au vu du film, les craintes sont confirmées. Cette séquelle se révèle non seulement pataude mais aussi un brin prétentieuse. Car elle ne cesse de citer Le Projet Blair Witch comme étant un film culte, une œuvre marquante, un objet d’admiration pour une horde de fans. Et de fait, les protagonistes sont ici un groupe d’aficionados tellement marqués par le film en question qu’ils ont décidé de reprendre l’enquête dans les bois de Burkitsville, suréquipés en matériel vidéo et ne cessant de se référer au Projet Blair Witch. Le but de ce nombrilisme effarant est double : entretenir le jeu du vrai du faux autour de la légende urbaine de la fameuse sorcière champêtre, et clamer haut et fort à quel point le premier film était un chef d’œuvre. Cet exercice d’autosatisfaction et de vantardise outrancière finit vite par lasser. D’autant que Blair Witch 2 lui-même ressemble plus à un produit dérivé qu’à un film à part entière.
Autosatisfaction
Après une nuit bien arrosée au beau milieu des bois, nos cinq protagonistes se rendent compte qu’ils ont un gros trou de mémoire sur ce qui s’est passé au cours des dernières heures. Et lorsqu’ils rentrent au bercail, c’est pour constater que leurs bandes vidéo présentent d’étranges artefacts. Bientôt, ils doivent se rendre à l’évidence : ils ont ramené une entité maléfique avec eux. Voilà pour le pitch. Rien de bien neuf, donc, d’autant que la mise en scène est paresseuse, les comédiens assez peu supportables et les dialogues volontiers indigestes. Quant au fameux livre des ombres du titre, il brille ici par son absence. Joe Berlinger a beau cligner de l’œil vers ses références cinématographiques principales, en l’occurrence La Malédiction, L’Exorciste, Evil Dead, la mayonnaise ne prend pas. Mais il est difficile d’appréhender pleinement sa vision de cinéaste, dans la mesure où les producteurs, mécontents de son travail, font tourner de nouvelles séquences qu’ils jugent plus commerciales et refusent plusieurs de ses choix artistiques. Blair Witch 2 est donc un film bancal qui n’aura guère permis à son réalisateur de rebondir facilement. Berlinger ne réalisera par la suite qu’un autre film de fiction, Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, le reste de sa carrière se concentrant sur les programmes télévisés et les documentaires.
© Gilles Penso
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