ATARAGON (1963)

Pour contrer les plans diaboliques de la cité sous-marine de Mu, le gouvernement japonais décide de réactiver un sous-marin volant futuriste…

KAITEI GUNKAN

 

1963 – JAPON

 

Réalisé par Ishiro Honda

 

Avec Tadao Takashima, Yoko Fujiyama, Yu Fujiki, Hiroshi Koisumi, Kenji Sahara, Ken Uehara, Jun Tazaki, Yoshifumi Tajima, Akihiko Hirata, Hideyo Amamoto

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I EXOTISME FANTASTIQUE I MONSTRES MARINS

Cette très ambitieuse production Toho conçue par les créateurs de Godzilla s’inspire de la série de livres pour enfants « Kaitei Gunkan » écrits en 1899 par Shunro Oshikawa. Si les Japonais conservent le titre original des romans, les distributeurs américains préfèrent le terme Atragon (contraction de « Atomic Dragon ») que les Français modifient légèrement pour un Ataragon qui sonne mieux chez nous. Le scénario de Shin’ichi Sekizawa réadapte très librement le matériau littéraire original, auquel il adjoint des éléments empruntés à la bande dessinée « Undersea Kingdom » de Shigeru Komatsuzaki. Si le réalisateur Inoshiro Honda et l’expert des effets spéciaux Eiji Tsuburaya sont rompus à tous les défis techniques, Ataragon va tout de même leur donner du fil à retordre dans la mesure où ils ont moins de quatre mois pour concevoir cette superproduction bourrée d’effets spéciaux. La Toho tient en effet à faire sortir le film pendant les fêtes de Noël. Ataragon est le nom d’un véhicule terrestre, aquatique et aérien futuriste digne des Thunderbirds (qui débouleront trois ans plus tard sur les petits écrans). Cet engin à mi-chemin entre le Nautilus de Jules Verne et la « taupe de fer » d’Edgar Rice Burroughs, construit à la fin de la guerre du Pacifique par le gouvernement japonais, est équipé d’un armement ultrasophistiqué, notamment un redoutable rayon réfrigérant, mais n’a jamais été utilisé suite à la victoire des Alliés.

Soudain, une nouvelle menace frappe la population. Les habitants du royaume sous-marin de Mu, disparu dans le Pacifique il y a 12 000 ans, ont décidé à l’initiative de leur impératrice de conquérir la surface de la Terre et d’en exploiter toute l’énergie. Pour prouver leur puissance de destruction, ils provoquent des catastrophes en série et sèment une panique généralisée. Il est donc temps de faire sortir l’Ataragon de sa retraite. Mais son concepteur, le capitaine Shinguji, n’est pas tout à fait d’accord. Sous ses apparats de spectacle récréatif et tout public, Ataragon développe ainsi une intéressante réflexion sur l’armement et sur l’état d’esprit militaire nippon vingt ans après la guerre. « J’ai construit l’Ataragon pour que le Japon puisse reprendre sa place parmi les nations », clame le capitaine. « Il est pour le Japon uniquement ! » Nostalgiques des batailles et de la puissance impériale japonaise, les soldats qui lui sont restés fidèles ont refusé la capitulation. Seul « l’intérêt supérieur de la patrie » prime à leurs yeux, en dehors de tout contexte géopolitique. « Vous êtes un fantôme qui porte une armure rouillée et qui se gargarise de patriotisme » lance alors sévèrement à la face du capitaine le prétendant de sa fille.

L’année du dragon

Cette couche narrative supplémentaire donne au film une dimension inattendue. On n’en apprécie que d’avantage l’incroyable déploiement des trucages de Tsuburaya. Redoublant d’inventivité, le futur créateur d’Ultraman fait construire de superbes décors miniatures pour visualiser la cité de Mu, avec ses hautes murailles, ses obélisques couvertes de hiéroglyphes, ses statues antiques, ses jets de vapeur et ses véhicules volants. Les maquettes permettent par ailleurs de donner corps à plusieurs séquences dantesques : la destruction d’un navire par des bombes incandescentes en pleine mer, l’implosion d’un sous-marin au fin fond des abysses, le surgissement de l’Ataragon au-dessus des flots, des explosions multiples de bâtiments ou de véhicules, des séismes colossaux, l’impressionnante salle des machines de Mu et – clou du spectacle – l’éveil du gigantesque serpent marin Manda. Présent sur une grande partie du matériel publicitaire du film, ce monstre n’intervient hélas que furtivement, son apparence ayant été déterminée par Inoshiro Honda pour s’adapter au calendrier chinois (qui s’apprête alors à célébrer l’année du dragon). Ne reculant devant aucun excès (des centaines de figurants qui dansent dans les décors de péplum de l’empire Mu, les marches militaires emphatiques composées par Akira Ifukube pour accompagner les séquences où l’engin vedette passe à l’action), Ataragon est un régal pour tous les amateurs de SF nippone à l’ancienne.

 

© Gilles Penso


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