ABIGAIL (2024)

Les réalisateurs de Scream 5 et 6 revisitent le mythe du vampirisme en racontant un kidnapping qui tourne très mal…

ABIGAIL

 

2024 – USA

 

Réalisé par Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

 

Avec Melissa Barrera, Dan Stevens, Alisha Weir, Kathryn Newton, Will Catlett, Kevin Durand, Angus Cloud, Giancarlo Esposito

 

THEMA VAMPIRES

Abigail s’inscrit dans la volonté du studio Universal de « dépoussiérer » les monstres de son répertoire en leur offrant un écrin moderne. Après la tentative ratée de La Momie d’Alex Kurtzman, première pierre d’un édifice qui ne verra jamais le jour, les créatures du patrimoine classique se réinventent autrement, comme l’homme invisible pervers narcissique d’Invisible Man (2020) ou le Dracula semi-parodique de Renfield (2023). L’idée première d’Abigail consiste à revisiter La Fille de Dracula de Lambert Hillyer, même si en réalité pas grand-chose n’a été conservé de cette variante méconnue de 1936, à part quelques idées éparses. Les duettistes Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett viennent alors de réaliser le cinquième et le sixième volet de la saga Scream et préparent leur tournage dans le manoir Guinness de Dublin, qui leur offre un cadre très photogénique sans la nécessité de construire un décor entier en studio. Mais la grève du syndicat des acteurs qui éclate en été 2023 oblige la production à interrompre ses prises de vues au milieu du mois de juillet pour ne reprendre que quatre mois plus tard. Abigail ne sort donc sur les écrans américains qu’en avril 2024.

Le générique d’Abigail montre une ballerine de douze ans qui s’exerce sur « Le Lac des cygnes » de Tchaïkovski. Ce morceau n’a bien sûr pas été choisi au hasard puisqu’il accompagnait le prologue du Dracula de Tod Browning. Encore en tutu, la gamine est soudain enlevée par six criminels qui l’emmènent dans un manoir isolé où ils espèrent bien récupérer la coquette rançon de 50 millions de dollars que son père versera en échange de sa vie sauve. C’est du moins ce que leur a promis leur chef, l’énigmatique Lambert (Giancarlo Esposito, transfuge de Breaking Bad et du Mandalorian). Dès l’entame, on sent bien que rien ne va se passer comme prévu et que ce petit groupe de gangsters menace à tout moment d’imploser. Il faut dire que les kidnappeurs sont gratinés : une junkie en désintoxication, un ex-policier nerveux et autoritaire, une pirate informatique en mal de sensations fortes, un tireur d’élite échappé des Marines, un homme de main simple d’esprit et un chauffeur sociopathe ! Mais la fillette elle-même cache bien son jeu. Et comme dans Une nuit en enfer, le thriller policier mâtiné d’humour noir va soudain basculer dans l’horreur la plus exubérante. L’hémoglobine s’apprête en effet à gicler abondamment autour de la petite danseuse…

Dirty Dancing

Au détour du casting, l’amateur du cinéma de genre reconnaîtra quelques visages familiers comme Dan Stevens (l’androïde de I’m your man), Melissa Barrera (l’héroïne de Scream 5 et Scream 6), Kathryn Newton (l’adolescente gothique de Lisa Frankenstein) ou encore Kevin Durand (Proximus Cesar dans La Planète des singes : le nouveau royaume). Mais l’actrice qui crève l’écran – dans un rôle complexe et délicat – est la toute jeune Alisha Weir, révélée dans Matilda, la comédie musicale. Tout ce beau monde se met en place au sein d’une mécanique narrative connue, celle du huis-clos dans lequel les personnages sont guettés et décimés l’un après l’autre par un monstre. Si l’humour reste omniprésent tout au long du métrage – Kevin Durand campe à ce propos un délectable gros bras écervelé -, l’horreur éclabousse bientôt l’écran avec une belle générosité. « Tous nos films sont sanglants », avoue Tyler Gillett. « Mais je dirais que celui-ci est certainement celui qui va le plus loin. Nous avons passé beaucoup de temps à nous excuser auprès de nos acteurs sur ce film à cause de la quantité de sang que nous répandions sur eux. Certes, le sang est dans l’ADN d’un film de vampire, mais ici c’est assez extrême ! » (1) La dentition des suceurs de sang elle-même s’éloigne du design classique pour se rapprocher des mâchoires des requins, dans un esprit voisin de celui des créatures de 30 jours de nuit. Abigail joue donc la carte de l’équilibre entre le thriller, la comédie et le gore, démontrant que Bettinelli-Olpin et Gillett semblent bien plus à l’aise avec un concept neuf plutôt qu’avec une franchise telle que Scream. Le film est certes loin d’être parfait et finit par multiplier les rebondissements artificiels au cours de son dernier acte, mais le spectacle qu’il offre reste très recommandable.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Total Film » en avril 2024

 

© Gilles Penso


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