Le studio Disney profite des perfectionnements de l’image de synthèse et de l’animatronique pour se lancer dans un remake de Monsieur Joe…
MIGHTY JOE YOUNG
1998 – USA
Réalisé par Ron Underwood
Avec Charlize Theron, Bill Paxton, Rade Sherbedja, Peter Firth, David Paymer, Regina King, John Alexander
THEMA SINGES
C’est dans une certaine urgence que se prépare Mon ami Joe. Nous sommes alors en 1995 et le succès de Jurassic Park est encore dans tous les esprits. Désireux de profiter de ce nouvel engouement pour les grands monstres et des dernières évolutions en matière d’effets spéciaux numériques et animatroniques, Joe Roth et David Vogel, président de Disney Pictures, se mettent en quête d’un nouveau projet. Ils jettent rapidement leur dévolu sur Monsieur Joe, un sympathique film de gorille géant produit et réalisé en 1949 par une partie de l’équipe qui avait œuvré sur le King Kong original. Les scénaristes Mark Rosenthal et Lawrence Konner n’ont que quatre semaines pour en écrire un remake. Pendant ce temps, le spécialiste des grands singes Rick Baker (King Kong 1976, Greystoke, Gorilles dans la brume) et le superviseur des effets visuels Hoyt Yeatman (La Mouche, Abyss) sont chargés de développer les techniques capables de donner vie au héros simiesque du film. Le réalisateur Ron Underwood n’entre en piste que dans un second temps. Ses accointances avec le fantastique et avec la comédie (Tremors, Drôles de fantômes, La Vie l’amour les vaches) en font le candidat idéal. Finalement, suite à ses nombreuses réécritures et à ses contraintes techniques, Mon ami Joe ne sortira sur les écrans qu’en 1998.
Oubliée l’ambiance de western épique du premier Monsieur Joe, place à une approche plus réaliste, inspirée en partie par le personnage bien réel de Dian Fossey qu’incarnait Sigourney Weaver dans Gorilles dans la brume. Alors que la primatologue Ruth Young observe et étudie les gorilles des montagnes d’Afrique centrale, sa fille Jill sympathise avec un bébé singe qu’elle surnomme Joe. Mais de vils braconniers entrent en scène, tuant à la fois la mère de Jill et celle de Joe. Douze ans plus tard, la blonde héroïne a pris les traits de Charlize Theron et son ami gorille mesure désormais cinq mètres de haut. Si ces proportions incompréhensibles défient la science, les légendes locales évoquent un « gardien de la montagne » qui apparaîtrait toutes les cent générations pour défendre les siens contre les menaces extérieures. C’est flanquée de ce primate hors norme que Jill rencontre Gregg O’Hara (Bill Paxton), patron d’un refuge animalier qui leur propose tous deux de venir s’installer dans un parc californien…
Mon ami Ray
Mon ami Joe modernise donc le propos du film précédent ainsi que son approche visuelle, nous offrant par exemple une relecture de la fameuse scène des lassos avec une jeep enchaînée au gorille géant en fureur. Les effets visuels cohabitent sans heurts avec les costumes et marionnettes de Rick Baker, démontrant au passage que la simulation numérique de poils a fait du chemin depuis les singes de Jumanji. « Notre Joe digital a été conçu en scannant une sculpture du singe créée par Rick Baker », nous explique Hoyt Yeatman. « Nous lui avons appliqué des poils grâce à un logiciel maison que nous avons baptisé Yéti. Les données numériques du personnage étaient tellement lourdes qu’il nous fallait en moyenne dix heures pour calculer une seule image de Joe ! » (1) Une surprise bien agréable, pour l’équipe du film, sera la visite de Ray Harryhausen, le gourou des effets spéciaux qui avait fait ses débuts en animant justement le gorille du premier Monsieur Joe. Harryhausen accepte même de faire un peu de figuration pour le film. Ainsi le voit-on apparaître au cours d’une scène de réception, échangeant un dialogue avec la comédienne Terry Moore, celle-ci n’étant autre que l’héroïne du Monsieur Joe original. Interrogé sur ce remake, Harryhausen reste mesuré. « C’est une approche très différente » dit-il prudemment. « Le scénario s’intéresse au thème de la préservation des espèces, alors que le film original possédait un style fantastique “plus grand que nature“ » (2). Pour notre part, nous aurions tendance à préférer cette version à son modèle qui, malgré son charme indiscutable, basculait dans le mélodrame un peu facile. Et comment ne pas se laisser transporter par la bande originale lyrique et exotique de James Horner ?
(1) Propos recueillis par votre serviteur en août 1998
(2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2004
© Gilles Penso
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